Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Choses vues, tome I.djvu/322

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Elle nous avait profondément absorbés. Lorsque nous nous levâmes pour nous en aller, nous nous aperçûmes que Napoléon Duchâtel corrigeait à quelques pas de nous les épreuves de son discours. Son ami Pèdre Lacaze était assis à côté de lui. Il n’y avait plus que nous quatre dans la salle. Ils avaient certainement pu entendre tout ce que nous avions dit.

Le soir, plusieurs personnes vinrent chez moi et je racontai l’incident de la séance. Les avis étaient partagés sur l’opportunité de l’interpellation. Cependant, la plupart pensaient, contrairement à mon avis, que tout se résoudrait en une émeute insignifiante. Au milieu de la conversation, survint M. Hello, jeune avocat de talent qui, cinq jours plus tard, était nommé avocat général près la cour d’appel de la République. Je lui demandai son avis. Voici ce qu’il nous répondit :

— Je sors de Sainte-Pélagie. J’y ai dîné avec beaucoup de condamnés politiques qui ont tous été mes clients. Ils boivent du vin de Champagne, ils chantent la Marseillaise, ils sont dans la joie et ils dansent dans les corridors en criant à tue-tête : — « Dans trois jours nous serons libres ! »