À ce moment-là, Cauvet s’approcha de lui et lui dit d’une voix douce :
— Veux-tu un pistolet ?
Hubert ne répondit pas.
— Veux-tu un pistolet ? reprit Cauvet.
Hubert garda le silence. Cauvet recommença :
— J’ai un pistolet chez moi. Un bon. Le veux-tu ?
Hubert haussa l’épaule et poussa la table du coude.
— Le veux-tu ? reprit Cauvet.
— Laissez-moi tranquille, dit Hubert.
— Tu ne veux pas de mon pistolet ?
— Non.
— Alors donne-moi la main.
Et Cauvet, complètement gris, tendit la main à Hubert.
Hubert ne la lui donna pas.
Cependant je causais avec Cahaigne qui me disait :
— Vous avez bien fait de les avertir, mais je crains que demain la colère ne revienne à deux ou trois comme Avias, et qu’ils ne le tuent dans quelque coin.
Je n’avais pas signé la déclaration. Tous avaient signé, excepté moi.
Heurtebise me présenta la plume.
— Je signerai dans trois jours, dis-je.
— Pourquoi ? demandèrent plusieurs.
— Parce que je crains les coups de tête. Je signerai dans trois jours, quand je serai sûr qu’aucune menace ne s’est réalisée et qu’on n’a fait aucun mal à Hubert.
On me cria de toutes parts :
— Signez ! signez ! On ne lui fera aucun mal.
— Vous me le garantissez ?
— Nous vous le promettons.
Je signai.
Une demi-heure après, je rentrais chez moi. Il était six heures du matin. La bise de mer sifflait dans le Rocher des proscrits ; les premières blancheurs de l’aube égayaient le ciel. Quelques petits nuages d’argent jouaient au milieu des étoiles.
À cette même heure, M. Asplet, requis par Beauvais, saisissait Hubert et l’écrouait à la prison pour dettes.
Ce matin 21 octobre, vers dix heures, un sieur Laurent, qui prend ici, en vertu d’une nomination de M. Bonaparte, la qualité de vice-consul de France, se présentait chez M. Asplet.
Il venait, disait-il, réclamer un français arrêté illégalement.