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De toutes les variétés de cultures qui composent ce fameux domaine de la chronique, dont personne n’a fixé les limites et que tout le monde reconnaît sans effort, il n’en est pas une peut-être dont on ne trouve dans Choses vues un échantillon et un modèle. Ceux qui aiment à explorer les coins mal connus de Paris ont dû lire déjà avec passion la visite à la Conciergerie. Les descripteurs de soirées mondaines, de redoutes et de galas mettront au premier rang de leurs classiques le récit de la fête chez le duc de Montpensier ; il n’y manque même pas (à vous Parisis !) la liste des notabilités reconnues au passage. On retrouve une autre énumération à propos d’un dîner chez le ministre Salvandy ; mais là, il y a mieux qu’un assemblage de noms connus à divers titres : chacun des convives est croqué en quelques traits ; cela va de deux mots à quatre lignes au plus ; on les voit entrer, se mouvoir et s’attabler.

Voulez-vous assister à une cérémonie solennelle ? Voici le récit détaillé du retour des cendres. Recueillir les impressions de Paris sous le coup d’un événement tragique ? Le duc d’Orléans vient de se briser le crâne sur la route de la Révolte : vous aurez non seulement les on-dit, mais la description précise du lieu où l’accident s’est produit, les explications des médecins et, comme diraient aujourd’hui les crieurs de journaux du boulevard, « tous les curieux détails ». Tout le monde a déjà lu la description des derniers moments de Balzac, voici l’enterrement de Mlle Mars en 1847.

… Un chroniqueur n’est pas complet s’il ne nous introduit pas de temps en temps dans le monde du théâtre, et même dans l’intimité des actrices. Rassurez-vous : cette note même ne fait pas défaut ; vous ne verrez pas seulement les comédiennes se ranger derrière le cercueil d’une camarade, vous entendrez les doléances de la pauvre George vieillie, se plaignant des grands airs de Rachel et trouvant que Louis-Philippe a bien mérité sa chute, attendu « qu’il n’a rien fait pour Harel ». Vous verrez Mlle… Zubiri en déshabillé, ce qui est le mot propre, car cette personne fut vraiment possédée de la manie du déshabillage. Elle était, pour le moment, éprise d’un peintre de grand talent qu’elle accablait de mauvais compliments et qu’elle torturait sans y mettre de méchanceté : mais aucune considération n’aurait pu l’empêcher de faire voir aux amis comme elle avait la gorge faite et la jambe tournée.

… Il faut se borner : à quoi bon analyser et citer par extraits un livre dont tous les curieux sont en train de dévorer les trois ou quatre cents pages ?


Le Siècle.
Edmond Texier.

… Ce livre : Choses vues restera comme un volume à part dans l’œuvre de Victor Hugo. À côté de portraits, de récits, de scènes où il a joué un rôle, il y a telle note dont l’importance historique n’échappera à personne. Lisez le chapitre : Royer-Collard.

Il y a de tout dans ce dernier volume, même du naturalisme avant la lettre, je veux dire sans argot ni grossièreté. Il paraît que le document humain existait déjà avant le tambourinage qui a été fait autour de sa proclamation. Victor Hugo était, à ses heures, naturaliste sans le savoir ; c’est, il paraît, la meilleure manière de l’être.


Le Voltaire.
Lucien Valette.

Choses vues ; c’est le recueil, non pas des mémoires du poète, mais plutôt d’un journal que Victor Hugo tenait des événements auxquels il avait été mêlé, ou simplement de ses pensées sur les hommes et des aventures intéressantes de sa vie intime. On retrouve dans ces volumes l’homme bon, d’un esprit si fin, d’une humeur si douce et pleine de charme, d’une bonhomie si cordiale que les familiers du maître connaissaient bien.

… Le premier morceau est daté de 1838, le dernier de 1875. C’est donc toute la maturité du maître qui défile devant nous avec ses idées sur les hommes et sur les choses. Citer de courts fragments pris çà et là présente l’embarras d’un choix dans un ouvrage où l’on devrait tout prendre.

Félicitons MM. Meurice et Vacquerie du soin qu’ils apportent à accomplir la tâche que leur a confiée leur ami. Leur publication se fait avec une variété et une méthode dont on ne saurait trop les louer. Après la Fin de Satan, ce formidable poème que beaucoup placent