Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Choses vues, tome II.djvu/92

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DIALOGUE.


— Je veux un système d’impôts qui ne dépouille pas le pauvre.

— Vous êtes un ennemi de la propriété.

— Je veux remédier à un ensemble de faits sociaux qui font fatalement du malheureux un misérable, et sous le poids desquels tant d’infortunées mères mettent au jour des filles pour le lupanar et des fils pour le bagne.

— Vous êtes un ennemi de la famille.

— Je veux un clergé non salarié, libre, pur, digne, pratiquant Jésus et non Loyola.

— Vous êtes un ennemi de la religion.

— Je veux le gouvernement régulier et pacifique de tous par tous et pour tous.

— Vous êtes un ennemi de la société.

— Je veux la suppression de la guerre.

— Vous êtes un ennemi de l’humanité.

— Je veux l’abolition de la peine de mort.

— Vous êtes un buveur de sang.




18 décembre 1850.

Tout à l’heure, autour de la cheminée de la Salle des Conférences, j’entendais des représentants de la droite, parmi lesquels Malleville, Janvier, Druet-Desvaux, et un de la gauche, Victor Lefranc, deviser des révolutions en général et de février 1848 en particulier. Un représentant, dont je ne sais pas le nom, ancien député, disait : — Deux choses ont fait cette révolution : de ce qui se passait nous ne savions qu’une moitié, et sur l’autre moitié nous nous faisions illusion. Dès le 22, la Chambre avait été envahie, nous ne nous en doutions pas. Plus de soixante émeutiers avaient violé les tribunes, comme s’ils venaient prendre leurs dimensions. Ils étaient entrés par la petite porte de la rue de Bourgogne, la garde nationale les avait laissés passer. Deux ou trois députés et moi, nous nous étions amusés à les voir défiler ici dans cette salle, sans savoir ce qu’ils venaient faire.

J’ai interrompu : — Une révolution tout bonnement. C’est toujours ainsi qu’elles se feront. Elles vous passeront devant le nez avant de vous monter sur la tête.