Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Correspondance, tome I.djvu/230

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
Mercredi, 3 heures après-midi (7 août).

Je suis triste, mon Adèle chérie, et d’avance de courage de tout le découragement que je vais sans doute remarquer en toi ce soir. Encore des délais ! Je te conterai en détail quand je te verrai comment il se fait que ma pension est encore retardée pour quelques jours.

Ce nouvel incident ne sera rien peut-être, mais j’avoue que je n’y tiens plus. Mets-toi un instant à ma place, Adèle, et tu sentiras combien ma position est gênante envers tes parents et toi. Il me semble que je suis responsable de chaque instant qui s’écoule, et je n’ignore pas qu’on ne peut s’empêcher de croire chez toi que si tous les obstacles ne sont pas levés, c’est bien un peu par ma faute. Toi-même, Adèle, tu n’es pas éloignée de le penser, et ne crois pas que je veuille ici te faire un reproche, puisqu’il m’arrive souvent à moi-même de me demander sévèrement si je fais bien tout ce que le devoir, concilié avec un sentiment de réserve et de fierté que tu comprendras, m’ordonne de faire. Je crois pouvoir t’assurer du fond de l’âme que je n’ai point à m’accuser de ce tort grave, je serais bien heureux si cette assurance pouvait dissiper en toi ces doutes que tu éprouves, mais que ta délicatesse généreuse cherche à me cacher.

Adèle, je désire notre mariage pour lui-même, toi tu le souhaites surtout par ennui de ta position actuelle. Ne me répète donc pas ton reproche cruel que tu le désires plus que moi.

Adieu, mon Adèle bien-aimée, je suis abattu d’avoir un retard à t’annoncer, cependant ce retard ne différera peut-être rien. Daignes-tu me permettre encore de t’embrasser ?

V.