Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Correspondance, tome I.djvu/244

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Victor, je réclame la confidence de toutes tes souffrances, quelles qu’elles soient, je la réclame, je la veux, je ne pourrais vivre avec toutes les craintes perpétuelles que ferait naître en moi ton silence sur ce que tu pourrais éprouver. Tu entends, Adèle ? je ne pourrais vivre. Hélas ! si tu veux que je te cache mes douleurs, j’y consens afin de t’en épargner l’ennui, mais moi, je t’exprime en suppliant un vœu contraire. Hâte-toi, de grâce, de me rassurer, car je suis tout ému et je sens que je dormirai mal cette nuit. Adieu, mon Adèle adorée, adieu, ma femme, ange bien-aimé, je ne puis m’accoutumer à te quitter ainsi à huit heures, même pour t’écrire ; un jour viendra (et ce jour n’est pas loin) où cette heure, au lieu de nous séparer comme à présent, nous réunira plus intimement et plus étroitement.

Adieu, je voudrais bien rêver de ce bonheur. En attendant, je t’embrasse mille fois.


Mercredi.

Je viens de travailler, mon Adèle, et je me récompense en t’écrivant. Ce soir tu liras ceci, et tu auras peut-être un peu de joie en voyant combien tu es aimée de ton mari. Je ne veux pas, mon Adèle, que tu couses trop, cela te fatigue ; il serait possible que tes maux de tête vinssent de là, je ne te recommande cela qu’afin de les prévenir. Ils me font tant de mal ! Fais du reste ce qui te plaira le mieux, pourvu que cela ne me prive pas de la douceur d’occuper ta pensée, distrais-toi, ange, que ne puis-je être près de toi. Ne me dis pas que j’aurai une femme ignorante, mon Adèle adorée en saurait toujours assez quand elle ne saurait que m’aimer.

Adieu, je t’embrasse bien tendrement, je vais dîner, puis je te verrai, quel bonheur ! Adieu, adieu.