Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Correspondance, tome I.djvu/256

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séparés si longtemps, aucune douleur ne s’est manifestée en toi, ce n’est point une faute, mon Adèle. Je sens tout le premier qu’au milieu de tout ce qui réclamait ton attention, tu as bien pu oublier ce Victor. Moi, j’ai passé par de bien vives et de bien amères douleurs, j’ai été livré à des affaires bien multipliées, à des soucis bien impérieux : jamais ton souvenir adoré n’a cessé un instant de dominer mon âme ; mais puis-je en exiger autant de toi ? Qui suis-je ?

Adieu pour ce soir, je suis bien, bien triste ; mais en relisant ta lettre et surtout la ligne qui la termine, je me sens à demi consolé.

Adieu, mon ange chéri, ma femme bien-aimée, je t’embrasse tendrement. À demain.


Mardi.

Il est plus de midi, chère amie, je veux pourtant te remettre cette lettre ce matin. J’ai couru depuis que je suis levé et ces courses maudites m’ont pris le temps que j’aurais été si heureux de consacrer à t’écrire. Il faut tout mon désir de te prouver par une lettre combien je t’aime pour ne pas tout laisser là, puisque le moment est venu de te voir. Comment as-tu passé la nuit ? Comment es-tu ce matin ? Je vais savoir tout cela, je vais avoir peut-être un doux regard de mon Adèle. Je t’embrasse un million de fois. — Allons !

Victor.