Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Correspondance, tome I.djvu/318

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sante ; en ce cas, cher ami, jamais douleur n’a été plus sincèrement partagée que la tienne.

Que ne suis-je près de toi !

Oui, malgré tous les liens qui me retiennent à Paris, Dieu sait combien je désirerais maintenant être soudainement transporté au milieu de ta famille. Je tâcherais d’y remplir ce vide que rien ne vous fera oublier, et cet ami, que vous n’avez jamais vu, remplacerait parmi vous, du moins en affection, cette mère que vous ne verrez plus.

Je t’en supplie, Adolphe, ne te désespère pas, sois homme ! Songe que tu as ici de vrais amis : cette certitude-là est quelque chose contre les peines de la vie. Songe encore à ton respectable père, à tes sœurs. — Je te charge, mon ami, de consoler tout ce monde en mon nom. J’ai eu tort de te dire que vous ne verrez plus votre mère : sois bien assuré que tu la reverras ; il est impossible que l’on se sépare ainsi pour toujours. Tu es pieux, et la piété te donnera du courage.

Pardonne à l’incohérence de ma lettre et aime-moi comme je t’aime. Je t’embrasse cordialement.

Ton dévoué cousin,
V.-M. Hugo.

P. S. — Écris-moi, je t’en prie, le plus tôt que tu pourras. Présente mes respects à mon oncle, dis-lui combien je prends part à son malheur. Rappelle-moi au souvenir de ma cousine Joséphine et de tes sœurs, si toutefois, en un pareil moment, il peut y avoir place pour moi dans leur souvenir. Donne-moi le plus tôt possible des nouvelles de toute ta famille. Adieu[1].


À Adolphe Trébuchet.


Paris, 11 juillet 1820.

Il est décidé, mon cher Adolphe, que j’aurai toujours des excuses à te faire, et toi, des pardons à m’accorder. Je ne crois cependant pas que tu puisses m’accuser d’oubli ; tu dois croire assez en mon amitié pour être convaincu que lorsque mes réponses suivent tes lettres à de si longs intervalles, c’est que je manque de temps et non de bonne volonté. J’en suis, certes, plus affligé que tu ne peux l’être.

Quant à toi, mon cher cousin, qui as sans doute plus de loisirs que moi, consacres-en, je te prie, le plus possible à notre correspondance. Il y a beaucoup d’égoïsme dans cette demande. Il faut t’en prendre au

  1. Le Figaro, 12 mai 1886.