Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Correspondance, tome I.djvu/353

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dans les Annales et j’ai été aussi confus de votre amitié que fier de votre talent.

Nos journalistes n’ont pas encore honoré d’un article mon pauvre recueil ; ils attendent, m’a-t-on dit, des visites, des sollicitations de louanges. Je ne puis croire qu’ils fassent cet affront à moi et à eux-mêmes. En attendant, le volume se vend bien, au delà de mes espérances, et j’espère songer avant peu à une nouvelle édition.

Adieu, mon excellent Jules, mon bien cher ami. Pardon de vous envoyer ainsi coup sur coup des vers et de la prose. Je voudrais bien être à même de ne rien vous envoyer, je vous embrasserais bien tendrement.

Victor.


Au général Hugo.
Paris, 26 juillet.
Mon cher papa,

Ta lettre a comblé ma joie et ma reconnaissance. Je n’attendais pas moins de mon bon et tendre père. Je sors de chez M. de Lourdoueix ; il doit sous très peu de jours me fixer un terme précis ; alors je montrerai ta lettre à M. et Mme Foucher[1] Ainsi je te devrai tout, vie, bonheur, tout ! Quelle gratitude n’es-tu pas en droit d’attendre de moi, toi, mon père, qui as comblé le vide immense laissé dans mon cœur par la perte de ma bien-aimée mère !

Je doute, pour ce qui concerne la pension que je viens d’obtenir de la maison du roi, qu’on me rappelle le trimestre de juillet ; alors elle ne

  1. À sa réponse à la lettre de son fils (18 juillet), le général avait joint la demande officielle adressée à M. et Mme Foucher ; il en avait laissé la date en blanc, afin, disait-il à Victor, « de te laisser maître d’attendre la nouvelle faveur que l’on te promet ». (22 juillet.) Voici un extrait de la demande en mariage :
    « ... L’état dans lequel j’ai parcouru ma longue carrière ne m’a pas permis autant qu’à vous de connaître bien mes enfants et leurs qualités. Je connais à Victor une sensibilité exquise, un excellent cœur, et tout me porte à croire que ses autres qualités morales répondent à celles-là. C’est ce cœur, ce sont ces qualités que j’ose mettre aux pieds de votre aimable fille. Victor me charge de vous demander la main de cette jeune personne dont il prétend faire le bonheur et dont il attend le sien... Déjà, pour aplanir les premières difficultés, il s’est avec une distinction rare ouvert seul une carrière brillante, il s’est en quelque sorte doté pour offrir à mademoiselle votre fille un état convenable, des espérances et un avenir, vous connaissez ce qu’il est et ce qu’il a. Si des temps plus heureux permettaient l’accomplissement du traité de mai 1814, si la commission mixte des séquestres et indemnités donnait enfin des conclusions que le gouvernement adoptât, Victor recevrait de son père les moyens de monter modestement sa maison…
    « Aussitôt que j’aurai reçu votre réponse, si elle est telle que je me plais à l’espérer, j’adresserai à Victor le consentement voulu par l’article 76 du Code Civil. » (Mme Victor Hugo. Victor Hugo raconté par un témoin de sa vie.)