Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Correspondance, tome I.djvu/382

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

s’est montré pour nous vraiment père. Il n’était pas encore à Paris, mon cher Adolphe, quand nous avons reçu ta lettre pour lui ; nous la lui avons remise dès son arrivée, et il m’a chargé de te dire combien il y a été sensible et avec quel plaisir il te verra passer plusieurs jours chez lui à ton prochain retour.

Comme l’un des fondateurs de la Muse française[1], deux abonnements étaient à ma disposition ; j’ai donné l’un à mon père, l’autre au tien, qui est aussi le mien. Marque-moi s’il a reçu les deux premières livraisons du recueil que j’ai donné ordre de lui envoyer. J’ai eu le malheur d’égarer, lors de notre déménagement de Gentilly, la lettre où tu m’indiquais par quelle voie je pourrais vous faire parvenir la deuxième édition de Han. Serais-tu assez bon pour me donner de nouveau cette adresse ? je joindrai à l’envoi un certain nombre de prospectus de la Muse que je te prierai de faire distribuer à Nantes. Ce recueil rédigé par l’élite de la jeune littérature, Guiraud, Lamartine, Soumet, etc., obtient un succès étonnant. Les frais sont déjà plus que couverts, et l’éditeur compte avoir 1 500 souscripteurs avant six mois. Te serait-il, possible de me faire envoyer le numéro du Lycée armoricain, où je voudrais lire de tes articles ; je n’ai rien reçu que la livraison d’août.

Adieu, mon bon Adolphe ; mon père, ma femme, Abel et toute la famille Foucher t’embrassent et t’aiment comme moi.

Victor.

La santé physique d’Eugène est toujours bonne, mais sa santé morale... Cependant le docteur Royer-Collard, médecin en chef de Charenton, n’a pas perdu tout espoir de ramener ce cher malade à la raison[2].


À Monsieur le comte Jules de Rességuier, à Toulouse.


Paris, 6 septembre 1823.

Faut-il croire à ce bonheur ? vous allez venir à Paris et je n’en sais rien par vous !... Écrivez-moi du moins, Jules, pour me confirmer cette bonne nouvelle, je l’ai déjà donnée à Soumet comme certaine. J’ai de la crédulité pour ce qui me fait plaisir. Cependant je ne crois pas à toute votre aimable lettre ; j’ai vu avec joie qu’elle était pleine de louanges, parce que toute cette louange est de l’amitié. Il y a dans cette lettre un épanchement qui m’a bien touché. Vous m’y parlez d’un ange que notre Alexandre m’avait déjà fait connaître, d’un ange qui vous aime et que j’aime de vous aimer.

Soumet va être joué presque à la fois aux deux théâtres, c’est-à-dire qu’il va obtenir deux triomphes, il a fait à son chef-d’œuvre, Saül, de très beaux

  1. La Muse française parut de juillet 1823 à juin 1824.
  2. Le Figaro, 26 mai 1886.