Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Correspondance, tome I.djvu/389

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Il me paraît d’après ton apostille d’ailleurs si pleine de tendresse et de bonté, que tu n’as pas encore reçu mes nouvelles rapsodies. Pourtant le libraire Ladvocat s’était chargé de te faire passer un exemplaire sur vélin, sur lequel j’avais écrit un mot ; mande-moi si tu l’as reçu.

Je t’écris encore aujourd’hui provisoirement entre deux courses indispensables et, je t’assure, fort ennuyeuses. Il n’y a rien pour absorber toute une vie comme la publication d’un méchant livre.

M. de Clerm.-Tonn[1], avec qui j’ai déjeuné avant-hier, m’a chargé de t’écrire que M. le duc d’Angoulême lui a parlé de toi et de tes Mémoires qu’il a lus avec le plus haut intérêt, et qu’il regrettait que tu n’eusses pas été employé dans la dernière guerre d’Espagne.

Je n’oublie pas, cher papa, les dernières commissions dont tu m’as chargé ; ma prochaine lettre t’en annoncera l’accomplissement. Ma femme avance dans sa grossesse sans se porter aussi bien que je le voudrais ; nous ne sommes cependant pas inquiets ; mais tout en m’affligeant, je ne puis m’empêcher d’approuver la défense que lui ont faite les médecins d’aller en voiture. Cela nous prive d’un bien grand bonheur que nous nous promettions pour le printemps ; mais qui, nous l’espérons, n’est que retardé de six mois.

Adieu, cher papa ; nous t’embrassons tendrement mon Adèle et moi, ainsi que ton excellente femme.

Ton fils dévoué et respectueux,

Victor.
Le 27 mars 1824.

Tout le monde ici se porte bien[2].


À Mademoiselle Julie Duvidal de Montferrier[3].


24 juin 1824.

Vos rares et aimables lettres nous causent à tous, mademoiselle, un vif plaisir, et je désire que vous soyez convaincue que personne n’apprécie plus que moi la belle âme et l’excellent cœur qui en dictent les moindres expressions. Je vous retrouve dans vos lettres telle que vous êtes : pleine de générosité, d’imagination et de raison, supérieure aux choses comme aux

  1. Marquis de Clermont-Tonnerre, alors ministre de la Marine.
  2. Bibliothèque municipale de Blois.
  3. Julie Duvidal exposa au Salon, de 1819 à 1827, des tableaux qui connurent le succès ; elle fut le professeur de dessin d’Adèle Foucher, et devint en décembre 1827 la femme d’Abel Hugo. On voit que les sentiments de Victor Hugo sur les artistes en général et sur Mlle Duvidal en particulier s’étaient bien modifiés depuis 1822. (V. Lettres à la Fiancée, pages 123-124.)