Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Correspondance, tome I.djvu/506

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Au roi Joseph.


Paris, 6 septembre 1831.
Sire,

Votre lettre m’a profondément touché[1]. Je manque d’expression pour remercier Votre Majesté.

Je n’ai pas oublié, sire, que mon père a été votre ami. C’est aussi le mot dont il se servait. J’ai été pénétré de reconnaissance et de joie en le retrouvant sous la plume de Votre Majesté.

J’ai vu M. Poinset. Il m’a paru en effet un homme de réelle distinction. Au reste, sire, vous êtes et vous avez toujours été bon juge.

J’ai causé à cœur ouvert avec M. Poinset. Il vous dira mes espérances, mes vœux, toute ma pensée. Je crois qu’il y a dans l’avenir des événements certains, calculables, nécessaires, que la destinée amènerait à elle seule ; mais il est bon quelquefois que la main des hommes aide un peu la force des choses. La providence a d’ordinaire le pas lent. On peut le hâter.

C’est parce que je suis dévoué à la France, dévoué à la liberté, que j’ai foi en l’avenir de votre royal neveu[2]. Il peut servir grandement la patrie. S’il donnait, comme je n’en doute pas, toutes les garanties nécessaires aux idées d’émancipation, de progrès et de liberté, personne ne se rallierait à cet ordre de choses nouveau plus cordialement et plus ardemment que moi, et, avec moi, sire, j’oserais m’en faire garant en son nom, toute la jeunesse de France, qui vénère le nom de l’empereur et sur laquelle, dans ma position obscure, mais indépendante, j’ai peut-être quelque influence.

C’est sur la jeunesse qu’il faudrait s’appuyer maintenant, sire. Les anciens hommes de l’empire ont été ingrats et sont usés. La jeunesse fait tout aujourd’hui en France. Elle porte en elle l’avenir du pays, et elle le sait.

Je recevrai avec reconnaissance les documents précieux que Votre Majesté a l’intention de me faire remettre par M. Presle. Je crois que Votre Majesté peut immensément pour le fils de l’empereur.

  1. Le roi Joseph avait écrit, de New-York, le 29 juin 1831, à Victor Hugo ; il lui demandait son opinion sur la lettre adressée par lui, le 19 septembre 1830, à la Chambre des Députés, mais qui n’avait pas été lue en séance. Il en promettait la copie à Victor Hugo, copie qui devait lui être remise par M. Presle.
  2. Le duc de Reichstadt.