Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Correspondance, tome I.djvu/528

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les défaire. Il n’y a pas une main humaine qui puisse effacer le signe auguste que ce grand homme vous a mis sur le front.

J’ai été profondément touché de la sympathie que Votre Majesté m’a témoignée à l’occasion de mon procès pour le Roi s’amuse. Vous aimez la liberté, sire ; aussi la liberté vous aime. Permettez-moi de joindre à cette lettre un exemplaire du discours que j’ai prononcé au tribunal de Commerce. Je tiens beaucoup à ce que vous le lisiez autrement que dans le compte rendu, toujours inexact, des journaux.

Je serais bien heureux, sire, d’aller à Londres, et d’y serrer cette royale main qui a tant de fois serré la main de mon père. M. Presles dira à Votre Majesté les obstacles qui m’empêchent en ce moment de réaliser un vœu aussi cher ; il faut, pour qu’ils m’arrêtent, qu’ils soient insurmontables. M. Presles vous dira une partie de ce que je vous dirais, sire, si j’étais assez heureux pour vous voir. J’aurais bien des choses de tout genre à vous dire. Il est impossible que l’avenir manque à votre famille, si grande que soit la perte de l’an passé[1]. Vous portez le plus grand des noms historiques.

À la vérité, nous marchons plutôt vers la république que vers la monarchie ; mais à un sage comme vous, la forme extérieure du gouvernement importe peu. Vous avez prouvé, sire, que vous saviez être dignement le citoyen d’une république. Adieu, sire ; le jour où il me sera donné de presser votre main dans les miennes sera un des plus beaux de ma vie. En attendant, vos lettres me rendent fier et heureux.

V. H.


À Sainte-Beuve.


10 mars [1833].

Il faut, mon ami, que je vous écrive un mot pour Abel. L’animosité de M. Buloz contre moi retombe sur lui. M. Buloz avait fait avec lui une convention dans laquelle j’avais servi d’intermédiaire, et qui avait déterminé Abel à refuser les offres qu’on lui faisait d’autre part. Aujourd’hui M. Buloz juge à propos d’éluder ou de rompre cette convention… Je n’ai rien à lui dire. Mais vous seriez bien bon, vous, mon cher Sainte-Beuve, de lui parler...

Voyez si tout souvenir des services passés n’est pas éteint dans l’esprit de M. Buloz. De cette affaire dépend tout l’avenir entre lui et moi. Je juge les hommes une bonne fois et tout est dit.

  1. La mort du roi de Rome.