Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Correspondance, tome I.djvu/560

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Je suis sûr, monsieur, que toutes ces idées sont les vôtres. Faites-les pénétrer dans le peuple dont vous êtes, par l’intelligence, un des chefs naturels. Au lieu de vous remercier simplement de vos excellents vers si flatteurs pour moi, je me suis laissé aller à cette causerie sérieuse. Vous la prendrez, je pense, comme je vous l’offre, pour une marque d’estime et de sympathie[1].


Monsieur A. Vacquerie[2],
à Villequier.


Me voici enfin tout à fait de retour à Paris, et ma première lettre est pour vous, mon jeune et cher poëte. J’ai voyagé, puis j’ai fait une petite villégiature à Auteuil, et maintenant la ville me tient comme on disait dans la belle langue d’Horace. Vous me faites lire des vers qui prouvent que la nôtre n’est pas moins belle. Vous pensez à moi dans l’inspiration, vous mettez mon nom à vos vers, vous laissez mon ombre se refléter quelquefois dans votre doux et charmant ruisseau de poésie. Merci. Je ne suis plus guère bon qu’à vous jeter quelques feuilles vertes ou non que votre eau emportera. Ce que rien ne pourra emporter, c’est la bonne et tendre affection que je vous ai vouée comme à un jeune frère. Continuez, vous aussi, mon poëte, de m’aimer, et d’aimer la nature et l’art. Aimer Dieu dans son œuvre, et puis s’aimer les uns les autres, voilà la vraie et bonne vie. Le regard affectueux des hommes pour les hommes est aussi doux que les rayons du ciel. Je vous serre la main.

Victor H.[3]
Paris, 3 octobre [1837].


À Monsieur de Custine[4].


12 octobre 1837.

J’ai fait cent courses, j’ai été en Flandre, j’ai vu Bruxelles et Anvers, les manufactures belges et les tableaux de Rubens, ce que l’industrie a de plus insipide et ce que l’art a de plus beau. Me voici enfin de retour à Paris où m’attendait votre bonne et cordiale lettre. Je voudrais pouvoir vous dire à quel point j’en ai été touché. Mais il y a des cas où ce qu’on voudrait exprimer est si au-dessus de ce qu’on sent qu’il vaut mieux se taire. N’est-ce pas que vous comprenez cela ? Votre lettre m’a été au cœur.

  1. Copie de Mme  Drouet. Archives de la famille de Victor Hugo.
  2. Inédite.
  3. Bibliothèque Nationale.
  4. Inédite. — Le marquis de Custine publia quelques romans, quelques drames, mais il est surtout connu par ses études sur les différents pays qu’il parcourut ; son dernier ouvrage : La Russie en 1839 eut un grand succès.