Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Correspondance, tome I.djvu/586

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
Pour ma Didine.


Stockach, 19 octobre.

Je t’écris quelques mots en même temps qu’à ta mère, ma Didine bien-aimée, et je te prie de m’écrire comme elle une bonne petite lettre à Forbach, poste restante. Écris-moi sitôt ce billet reçu.

As-tu lu ce que j’ai écrit sur la cathédrale de Mayence ? Je songeais à toi, mon ange, en visitant cette belle église, et aux récits que je t’en ferais le soir à notre coin du feu de la place Royale. Je t’envoie sous ce pli le papier sur lequel je prenais des notes pendant cette visite. Ce n’est qu’un gribouillis illisible. Mais garde-le toute ta vie pour l’amour de moi. C’est un souvenir que je te donne. La poste va partir, et j’ai à peine le temps de finir cette page. À bientôt, ma Didine bien-aimée. Embrasse ma Dédé pour moi. Dans une douzaine de jours je vous reverrai tous et je vous embrasserai. Quelle joie, cher ange ! Il me semble que je ne vous ai pas vus depuis un an. À bientôt. Pense à ton petit père, ma bien-aimée petite fille, et écris-moi[1].


À Thiers[2].


14 décembre 1840.

Le vrai poëme, c’est celui que vous avez fait, c’est ce magnifique poëme en action qui à cette heure passionne tout Paris et qui demain vivra et marchera, aux yeux de tout un peuple, de l’Arc de l’Étoile aux Invalides[3]. Le mien[4] n’est qu’un des mille détails du vôtre, un complément peut-être inutile, un chant imperceptible dans un coin voilé, un accompagnement obscur de cet ensemble éblouissant. Permettez-moi cependant de vous l’offrir comme à un homme que j’honore et que j’aime. Votre esprit est un de ceux qui séduisent le mien. On sent qu’avant de traverser les grandes affaires vous avez traversé les grandes idées.

  1. Archives de la famille de Victor Hugo.
  2. Inédite.
  3. Le 15 décembre 1840, les restes de Napoléon, ramenés de Sainte-Hélène, étaient transportés aux Invalides ; Paris avait été décoré d’emblèmes et de drapeaux sur tout le trajet que devait parcourir le char funéraire.
  4. Le Retour de l’Empereur, publié en décembre 1840 et inséré en 1883 dans la dernière série de La Légende des Siècles.