Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Correspondance, tome II.djvu/153

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vous les lirez quelqu’un de ces jours. Ces vers ont un double but : châtier dès à présent les coupables régnants, et empêcher dans l’avenir toute représaille sanglante. Si le ciel me prête force et vie, il n’y aura pas une goutte de sang versée à la prochaine révolution. J’ai tâché dans ce volume, comme dans N.-l.-P. de résoudre ce problème : Clémence implacable.

Outre vos sympathiques lettres du lundi, écrivez-moi de temps en temps, cher poëte. Vos cinq pages, si tendres, si nobles, si éloquentes, m’ont remué le cœur. Quelle bonne chose d’aimer les hommes qu’on admire ! Je vous remercie de me donner ces deux joies.

Tuus.
V. H.[1]


À Hetzel.


24 avril [1853].

Schœlcher me répond ; il ne pourrait mettre dans l’affaire que 500 francs[2]. Restent donc mille francs à trouver. Il me semble que cela n’est pas impossible. Le gros obstacle pour moi est toujours ceci : si vous êtes expulsé de Belgique ? Je ne vous connais pas d’alter ego. Un second Hetzel, ce serait une fameuse trouvaille. — Plus j’examine la proposition Mœrtens[3], moins elle me paraît acceptable, telle qu’elle est. D’abord, avec le système de l’édition expurgée, le risque du responsable est bien moindre. Il ne pourrait plus être poursuivi comme éditeur, mais seulement comme vendeur et distributeur de l’édition clandestine complète. Grande différence. Il faudrait de toute nécessité, et c’est l’avis unanime autour de moi, remplacer les 500 francs par mois (énormité) par la combinaison que je vous ai indiquée ; on pourrait, pour détruire toute objection, fixer un minimum par mois, 150 ou 200 francs que nous garantirions au prisonnier, et que nous lui paierions chacun selon la proportion de nos parts, vous un quart, moi moitié. Ensuite toute latitude pour la fabrication, je le comprends, mais il faudrait s’entendre sur ceci : dont le prix pourrait être éventuellement beaucoup plus considérable que d’ordinaire. Ici il y a une ouverture par où l’opération tout

  1. Clément-Janin. — Le Monde nouveau. Septembre 1921.
  2. Hetzel, rebuté par les défections des imprimeurs belges qu’il avait considérés comme ses co-associés, proposait de créer une imprimerie et de supporter les frais à quatre (Victor Hugo, lui Hetzel, Charras et Mœrtens). Il demandait à Victor Hugo, qui s’était engagé pour 1 500 francs, d’avancer le reste, soit 3 000 francs, le capital prévu étant de 6 000 francs et Mœrtens y contribuant pour 1 500 francs. Mais Victor Hugo, éprouvé par l’exil, n’avait pas cette somme et cherchait autour de lui des concours.
  3. Mœrtens, éditeur éventuel des Châtiments.