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À François-Victor[1].


[2 juillet 1850.]

Il paraît certain qu’une dépêche télégraphique annonce la mort de Robert Peel[2]. Informe-toi, et annonce-le[3]. Car ceci serait un grand événement.

M. Peel était l’espoir, la chance, le pont du parti tory. Aujourd’hui le pont est rompu, le parti tory reste sur l’autre rive, sur la rive du passé, sans aucun moyen de rejoindre ni le présent, ni l’avenir. Palmerston[4] reste seul, et le progrès. C’est un rude coup d’en haut. La providence vote après les Communes, et vote de même[5].


À Paul Meurice.


Mon cher ami, L’Événement d’aujourd’hui me parvient à dix lieues de Paris, et j’y lis avec regret un feuilleton de votre jeune et spirituel collaborateur M. Gaiffe. Vous savez que je suis un de vos lecteurs les plus sympathiques, nous défendons sur des terrains différents les mêmes principes, et vous permettez dans l’occasion à mon amitié quelques observations. Laissez-moi vous dire que cet article, qui m’a paru injuste pour trois poëtes de talent[6], m’a vivement contristé. Dans l’idée que je me fais de L’Événement, il me semble que ce n’est pas dans un tel journal que les hommes de talent peuvent être attaqués.

Vous êtes de ceux qui avertissent et qui conseillent le talent, mais en le glorifiant toujours. Et, en particulier, au moment où M. de Musset[7] se présente à l’Académie, L’Événement, journal des générations nouvelles et des

  1. Inédite.
  2. Robert Peel, membre de la Chambre des Communes, très populaire en Angleterre.
  3. François-Victor était, avec son frère Charles, l’un des cinq fondateurs du journal L’Événement ; les trois autres étaient Paul Meurice, Auguste Vacquerie et Camille Erdan ; le premier numéro parut le 1er août 1848.
  4. Lord Palmerston, adversaire de la politique de Robert Peel, connut de grands succès à la Chambre des Communes.
  5. Bibliothèque Nationale.
  6. Alfred de Musset, Théophile Gautier, Sainte-Beuve.
  7. Alfred de Musset fut présenté à Victor Hugo par Paul Foucher, son camarade au collège Henri IV ; il lut ses premiers vers rue Notre-Dame-des-Champs et fut tout de suite apprécié et encouragé ; dès 1828 Musset écrit déjà à Victor Hugo : mon cher ami ; il y eut pourtant un nuage qui disparut bientôt, car lorsque Musset brigua les suffrages de l’Académie, sept fois le vote de Victor Hugo lui fut acquis ; la lettre du 17 août 1850 montre en quelle estime le chef de l’école romantique tenait le poète des Nuits.