Au moment où elle a su qu’elle était condamnée à mort, Mme Eugénie Drouit a écrit ceci pour vous. À un pareil instant on dit vrai. Quant à moi, je la crois ; j’en croyais déjà ce sourire de l’enfant qui vous ressemble ; j’en crois à jamais la parole de cette mère qui a dit son dernier mot et qui ne parlera plus.
C’est à Dieu maintenant qu’elle recommande son fils dans le ciel pendant que je vous le recommande sur la terre.
J’accomplis ce devoir le lendemain du jour où j’ai failli moi-même perdre mon enfant.
Il me semble que Dieu même m’inspire en ce moment. Qu’il vous inspire aussi !
Cet enfant sera sauvé dans cette vie et une mère sera réjouie dans la tombe.
Lisez ceci. J’espère en vous. J’espère en votre cœur.
Votre vieil ami.
Je vous remercie. J’ai lu votre livre. C’est une œuvre forte et vivante. Le souffle révolutionnaire y est mêlé au souffle humain. Vous avez su joindre un drame[3] pathétique à l’épopée formidable que donne l’histoire. Et le style est excellent. Quand je vous verrai, j’aurai plaisir à causer avec vous de tout ce qui m’a touché et charmé.
Recevez mon meilleur serrement de main.
- ↑ Copie de Mme Drouet. Communiquée par M. Cornuau.
- ↑ Ponsard se destinait au barreau, mais une traduction de Manfred, écrite en 1837, le poussa à aborder le théâtre. Sa première tragédie, Lucrèce (1843), eut d’autant plus de succès qu’elle servait, par le retour au style noble et au « bon sens », les rancunes des classiques contre le romantisme ; venant après L’échec des Burgraves, on espérait que le triomphe de Lucrèce avait à tout jamais enterré le théâtre de Victor Hugo : on joue toujours Hernani et Ruy Blas et ceux qui ont vu jouer ou lu Lucrèce sont bien rares. Les pièces de Ponsard ne réussirent qu’à moitié ; il faut en excepter L’Honneur et l’Argent et Le Lion amoureux qui restèrent assez longtemps au répertoire.
- ↑ Charlotte Corday, drame représenté le 23 mars 1850, fut reprise au Théâtre-Français en 1902.
- ↑ Le Gaulois, 24 février 1902.