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À Madame Chenay.


Londres, dimanche 23 octobre [1864][1].

Ma bonne petite sœur, tes lettres sont gentilles comme toi. Je suis une vieille brute de paresseux, ce qui fait que je ne t’ai pas correctement répondu. Je fais mieux aujourd’hui, j’arrive. Pourtant, un gros vent sud-ouest souffle, et nous ne pouvons aborder Guernesey que le 16 (mercredi). Tu peux préparer pour ce jour-là les divers arcs de triomphe dont tu disposes, les harangues, les clefs de Hauteville sur un plat d’or massif, les agenouillements de la chatte et de son petit, et les vers latins que je te prie de faire en mon honneur.

J’espère que le vent se calmera. La traversée d’Ostende, excellente pendant quatre heures, a été affreuse à la fin.

Je t’embrasse sur tes deux bonnes joues.



À Théodore de Banville.


Castle Carry, 25 octobre [1864].

À mes petites lettres intimes vous faites de magnifiques réponses publiques. Je viens de lire dans La Presse[2] votre splendide prologue aux Chansons des rues et des bois. C’est le rossignol annonçant l’alouette.

Puisque d’avance vous voulez bien aimer un peu ce livre, cela me décidera peut-être à le publier.

Un désir de vous, poëte, est un ordre à la muse.

Pourtant, pour lâcher ce nid en plein air et en plein vent, le ciel est bien sombre. J’hésite.

J’ai vu dans les journaux que j’avais été absent de Guernesey deux mois, c’est trois mois qu’il faut dire et je ne suis pas encore rentré. Je viens d’errer un peu, çà et là, le plus près possible de la frontière de France. J’ai vu les musées et les montagnes. J’ai souvent pensé à vous, poëte, en présence de la grande nature et de l’art éternel. La nature et l’art sont à vous ; vous avez la double lyre.

Soy todo tuyo.
Victor H.[3]
  1. Cette lettre avait été placée, par erreur, dans l’édition originale de La Correspondance, en 1869 ; le Carnet de 1864, d’accord avec le calendrier, lui donne sa véritable date.
  2. Du 24 octobre 1864.
  3. Collection Louis Barthou.