Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Correspondance, tome II.djvu/539

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vous soient toutes belles, nobles et bonnes, et quoique jamais offres aussi magnifiques n’aient été faites à un écrivain, je dois les décliner. Pour moi, la raison d’art prime tout, et je considère comme impossible de découper ce livre en feuilletons[1].

C’est donc un regret que je dois exprimer, j’y ajoute un remerciement.

Du reste, je vois avec peine plusieurs journaux et une partie du public m’attribuer, pour le mode de publication d’un livre par feuilletons, un éloignement que je suis loin d’avoir.

Je n’ai là-dessus aucun parti-pris ni aucun préjugé ; des noms illustres ont consacré ce procédé excellent de publication. C’est une admirable forme de publicité populaire en même temps que littéraire. Les Travailleurs de la Mer (et vous serez de mon avis) s’y encadreraient difficilement, mais ce mode de publication s’adaptera peut-être à merveille au roman Quatrevingt-treize auquel je travaille en ce moment.

Je ferme bien vite cette lettre pour qu’elle parte, la première politesse est de ne pas faire attendre la réponse.

Vous êtes donc venus trois à Saint-Malo ! Quel regret pour moi que la mer ait empêché votre passage ! Comme Hauteville-House se fût ouvert à deux battants !

Votre ami,
Victor Hugo[2].


À Albert Lacroix.


H.-H., mardi 27 [février 1866].

Comme vous l’avez pressenti, mon cher M. Lacroix, la question d’argent n’est rien pour moi devant la question d’art. Les Travailleurs de la Mer ne peuvent être morcelés en feuilletons. Je décline à regret ces offres qui devenaient de plus en plus magnifiques. Ma famille vous communiquera la lettre de M. Millaud et ma réponse.

Vous vous êtes mépris, je n’ai pas parlé de dépôt, mais de prise de pro-

  1. Louis Ulbach était parti de Paris pour aller présenter à Victor Hugo Villemessant et Dumont, rédacteur en chef et directeur de L’Événement et lui offrir, pour la publication des Travailleurs de la Mer en feuilletons cent mille francs comptant. À Saint-Malo ils avaient été retenus par le temps et n’avaient pu atteindre Guernesey. Louis Ulbach avait donc écrit ces propositions à Victor Hugo.
  2. Les Travailleurs de la Mer. Historique. Édition de l’Imprimerie Nationale.