une illumination. Je vous remercie de cette clarté. On en a besoin ; il fait nuit.
Mais, vous le savez, je suis de ceux que la nuit n’inquiète pas. Je suis sûr du lendemain, à vrai dire, je ne crois ni à la nuit, ni à la mort. Je ne crois qu’à l’aurore.
Je m’en vais souvent, dans mes rêveries, le long de la mer, pensif, songeant à la France, regardant hors de moi l’horizon, et en moi l’idéal. J’emporte quelquefois un livre. J’ai mes bréviaires. Vous venez de m’en donner un.
Mon nom écrit parfois par votre noble plume me fait l’illusion de la gloire. Vieux et seul, j’ouvre mes mains cordiales devant le foyer de votre pensée, et je me chauffe à votre lumineux esprit.
Vous me demandez, en termes qui me touchent profondément, de venir en aide à la mémoire de votre noble mari ; je le dois, et je le puis. Le témoignage que vous réclamez de moi, je tiens à le rendre. Je le rends. Pourtant, me dira-t-on, vous n’avez jamais parlé à M. Octave Giraud, et vous n’avez pas tenu en vos mains son manuscrit. C’est vrai, je n’ai jamais vu l’homme, mais je connais l’esprit ; je n’ai point lu le livre, mais je connais la pensée.
Cette pensée d’ailleurs, dans une certaine mesure, vient de moi. M. O. Giraud un jour me fit l’honneur de me consulter. Il m’avait envoyé quelques-unes de ses œuvres ; je connaissais sa science, son intelligence, ses voyages, ses études aux Antilles, son généreux talent de poëte, sa valeur comme écrivain, sa portée comme philosophe. Il me demanda : Que dois-je faire ? Je lui dis : Faites l’histoire de l’Homme noir.
L’Homme noir, quel sujet ! Jusqu’à ce jour, l’Homme blanc seul a parlé. L’Homme blanc, c’est le maître. Le moment est venu de donner la parole à l’esclave. L’Homme blanc, c’est le bourreau ; le moment est venu d’écouter le patient.
Depuis l’origine des temps, sur ce globe encore si ténébreux, deux visages