Mon Victor, dans l’océan de papiers qui submerge le perchoir où j’écris, ta lettre a momentanément sombré, je la retrouverai, mais d’abord je veux t’envoyer votre argent. Puisque Charles va arriver à Bruxelles, il sera content d’y trouver sa prébende. Voici donc sous ce pli une traite à vue, que tu présenteras à la Banque nationale. Elle est à ton ordre et de 6 900 fr., qui se décomposent ainsi[2] :
Maintenant causons. La nouvelle donnée par le Gaulois me semble le comble de l’absurde. J’ai écrit à Lacroix. J’attends sa réponse. Dis à Rochefort que nous sommes à l’état d’enchantement continu de sa Lanterne. Quelle verve ! et quel bon sens dans cette verve ! c’est Aristophane honnête. Je serai charmé et ravi de sa bienvenue publique à l’Homme qui Rit. Tout journal s’ouvrira devant lui à deux battants. — Et toi, où en es-tu de ton Académie ? — Si Charles a travaillé à Paris, je suis content de lui, et je l’amnistie de ne pas m’avoir écrit. Votre cousine, la comtesse Clémentine (Léopold)[3], charmante d’ailleurs, m’a écrit, et m’a parlé de Georges avec enthousiasme. J’espère qu’il viendra à Guernesey, sinon, comme un vieux lâche, je courrai jusqu’à Bruxelles après lui, et après vous. — Tendre embrassement. Tu devrais aller toi-même toucher la traite à la caisse de la Banque nationale[4].
Dulcissime, merci. Votre avertissement restera entre nous deux[5]. D’ailleurs Charles m’a écrit, et le Gaulois a parlé. Quant à M. Lacroix, pas un mot, pas un souffle, il veut faire son coup en silence. Heureusement le Gaulois a donné l’éveil à temps pour nous dégager de toute cette échauffourée. J’ai déjà écrit à Auguste une première lettre. En voici une seconde. Voulez-vous la lui remettre et vous concerter avec lui ? Voilà le succès de ce pauvre Homme qui Rit mis en question, et par qui ? par l’éditeur.
- ↑ Inédite.
- ↑ Suivent des comptes.
- ↑ Femme de Léopold Hugo, neveu de Victor Hugo.
- ↑ Bibliothèque Nationale.
- ↑ Paul Meurice avait, le 25 mars, prévenu Victor Hugo d’une combinaison méditée par l’éditeur Lacroix : « L’Homme qui Rit sera donné pour rien, en primeur et en prime, à tout acheteur qui prendra ou s’engagera à prendre pour 100 francs de livres au prix fort dans le catalogue Lacroix ».