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À Madame Lockroy[1].


Paris, 11 avril 1877.

Chère Alice, vous êtes heureux tous, moi je suis content ; car je n’ai pas d’autre joie que celle qui me vient de votre bonheur. Vous regretter quand vous partez, vous espérer quand vous revenez, voilà l’occupation de mon vieux cœur. Et puis je travaille.

Je connais Saint-Jean-de-Luz. Quand je l’ai vu pour la première fois, j’avais neuf ans, un an de plus que Georges. C’était en 1811. Nous allions en Espagne. Allez-y, mais n’y faites pas de châteaux. Contentez-vous d’être aimée, c’est-à-dire heureuse.

Et revenez. Vous savez comme nous vous attendons. Il y a ici pour vous et pour nos chers petits, et pour votre cher Lockroy, quatre bras tout grands ouverts.

À bientôt donc, et tendre embrassement, chère fille.

V.[2]


V.[3]


Aux membres de la Franc-maçonnerie de Lyon.


Paris, 15 avril 1877.

Un éloquent appel m’est adressé. J’y réponds.

Mes amis de la franc-maçonnerie lyonnaise ont raison de compter sur moi. Le philosophe est un lutteur, le penseur est un combattant ; mais ce lutteur fait la lutte de la fraternité, mais ce combattant fait le combat de la paix. Quant à moi, le jour où je cesserai de combattre, c’est que j’aurai cesse de vivre.

Les gouvernements, tous monarchiques en ce moment, nous ont amenés, nous les peuples, à la situation que voici : Au dedans la misère, au dehors la guerre. D’un côté l’ouvrier qui chôme, de l’autre le soldat qui part. De là le problème à résoudre, problème qui s’impose aux penseurs, et qui contient tout l’avenir de la civilisation : faire que l’ouvrier travaille, et que le soldat ne travaille plus ; en d’autres termes, remplacer l’œuvre de mort par l’œuvre de vie.

  1. Inédite.
  2. Le 3 avril 1877, Mme Charles Hugo avait épousé Édouard Lockroy ; les mariés étaient partis avec les enfants dans le Midi.
  3. Collection Louis Barthou.