LETTRE XIX.
Feuer ! Feuer !.
À Bacharach, minuit venu, on se couche, on ferme les yeux, on laisse tomber les idées qu’on a portées toute la journée, on arrive à cet instant où l’on a en soi tout ensemble quelque chose d’éveillé et quelque chose d’endormi, où le corps fatigué se repose déjà, où la pensée opiniâtre travaille encore, où il semble que le sommeil se sente vivre et que la vie se sente sommeiller. Tout à coup un bruit perce l’ombre et parvient jusqu’à vous, un bruit singulier, inexprimable, horrible, une espèce de grondement fauve, à la fois menaçant et plaintif, qui se mêle au vent de la nuit et qui semble venir de ce haut cimetière situé au-dessus de la ville où vous avez vu le matin même les onze gargouilles de pierre de l’église écroulée de Saint-Werner ouvrir la gueule comme si elles se préparaient à hurler. Vous vous réveillez en sursaut, vous vous dressez sur votre séant, vous écoutez. — Qu’est cela ? — C’est le crieur de nuit qui souffle dans sa trompe et qui avertit la ville que tout est bien et qu’elle peut dormir tranquille. Soit ; mais je ne crois pas qu’il soit possible de rassurer les gens d’une manière plus effrayante.
À Lorch on peut être réveillé d’une façon encore plus dramatique.
Mais d’abord, mon ami, laissez-moi vous dire ce que c’est que Lorch.