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LE RHIN.

trième rang, mais qu’il y avait cinq républiques, Malte, Gênes, Lucques, Raguse, Genève.

Les cinq monarques électifs étaient tous limités, le pape par le sacré collège et les conciles, l’empereur par les électeurs et les diètes, le roi de Danemark par les cinq ordres du royaume, le roi de Hongrie par le palatin, qui jugeait le roi lorsque le peuple l’accusait, le roi de Pologne par les palatins, les grands châtelains et les nonces terrestres. En effet, qui dit élection dit condition.

Les douze monarchies héréditaires, les petites comme les grandes, étaient absolues, à l’exception du roi de la Grande-Bretagne, limité par les deux chambres du parlement, et du roi de Suède, dont le trône avait été électif jusqu’à Gustave Wasa, et qui était limité par ses douze conseillers, par les vicomtes des territoires et par la bourgeoisie presque souveraine de Stockholm. À ces deux princes on pourrait jusqu’à un certain point ajouter le roi de France, qui avait à compter, fort rarement, il est vrai, avec les états généraux, et un peu plus souvent avec les huit grands parlements du royaume. Les deux petits parlements de Metz et de Basse-Navarre ne se permettaient guère les remontrances ; d’ailleurs, le roi n’eût point fait état de ces jappements.

Des huit républiques, quatre étaient aristocratiques, Venise, Gênes, Raguse et Malte ; trois étaient bourgeoises, les Provinces-Unies, Genève et Lucques ; une seule était populaire, la Suisse. Encore y estimait-on fort la noblesse, et y avait-il certaines villes où nul ne pouvait être magistrat s’il ne prouvait quatre quartiers.

Malte était gouvernée par un grand maître nommé à vie, assisté de huit baillis conventuels qui avaient la grand’croix et soixante écus de gages, et conseillé par les grands prieurs des vingt provinces. Venise avait un doge nommé à vie ; toute la république surveillait le doge, le grand conseil surveillait la république, le sénat surveillait le grand conseil, le conseil des Dix surveillait le sénat, les trois inquisiteurs d’état surveillaient le conseil des Dix, la bouche de bronze dénonçait au besoin les inquisiteurs d’état. Tout magistrat vénitien avait la pâleur livide d’un espion espionné. Le doge de Gênes durait deux ans ; il avait à compter avec les vingt-huit familles ayant six maisons, avec le conseil des Quatre-Cents, le conseil des Cent, les huit gouverneurs, le podesta étranger, les syndics souverains, les consuls, la rote, l’office de Saint-Georges et l’office des 44[1]. Les deux ans finis, on le venait chercher au pied du palais ducal et on le reconduisait chez lui en disant : Vostra serenità ha finito suo tempo, vostra eccelenza sene vada a casa. Raguse, microcosme vénitien, espèce d’excroissance maladive de la vieille Albanie poussée sur un rocher de l’Adriatique, aussi bien nid de pirates que cité de gentilshommes, avait pour prince un recteur nommé à la fois de trois façons, par le scrutin, par l’acclamation et par le sort. Ce doge nain régnait un mois, avait pour tuteurs et surveillants durant son autorité de trente jours le grand conseil, composé de tous les nobles, les soixante pregadi, les onze du petit conseil, les cinq pourvoyeurs, les six consuls, les cinq juges, les trois officiers de la laine, le collège des Trente, les deux camerlingues,

  1. Prononcer l’office des quatre quatre. Ce conseil était ainsi nomme pour avoir été institué en 1444. Il était composé de huit hommes.