LETTRE III.
Châlons. — Sainte-Menehould. — Varennes.
Hier, à la chute du jour, mon cabriolet cheminait au delà de Sainte-Menehould ; je venais de relire ces admirables et éternels vers :
Mugitusque boum mollesque sub arbore somni.
J’étais resté appuyé sur le vieux livre entr’ouvert, dont les pages se chiffonnaient sous mon coude. J’avais l’âme pleine de toutes ces idées vagues, douces et tristes, qui se mêlent ordinairement dans mon esprit aux rayons du soleil couchant, quand un bruit de pavé sous les roues m’a réveillé. Nous entrions dans une ville. — Qu’est cette ville ? — Mon cocher m’a répondu : — C’est Varennes. — Puis la voiture s’est engagée dans une rue qui descend, entre deux rangs de maisons qui ont je ne sais quoi de grave et de pensif. Portes et volets fermés ; de l’herbe dans les cours. Tout à coup, après avoir passé une vieille porte cochère du temps de Louis XIII, en pierres noires, accostée d’un grand puits revêtu d’un appareil de madriers, la voiture a débouché dans une petite place triangulaire entourée de maisons d’un seul étage blanchies à la chaux, avec deux arbres rabougris gardant une porte dans un coin. Le grand côté de ce carrefour trigonal est orné d’un méchant beffroi écaillé d’ardoises. C’est dans cette place que Louis XVI fut arrêté