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REVUE DE LA CRITIQUE.

souvent ses peintures n’étaient pas inférieures à la beauté du spectacle, surtout quand le poète était en face des grandes ruines qui décorent le fleuve. M. Victor Hugo est vraiment le poète de l’architecture ; tout ce qui est pierre, monument ou ruine, l’inspire au plus haut point. Devant les vieilles cathédrales du Rhin, l’auteur de Notre-Dame de Paris s’est retrouvé tout entier…

… C’est en termes plus magnifiques que pénétrants que M. Hugo parle du Rhin et de ses délicieuses campagnes. L’auteur des Lettres sur le Rhin est un grand poète lyrique écrivant en prose, mais ce n’est pas encore un prosateur…

…C’est par une question internationale que M. Victor Hugo est entré dans la politique. Il a voulu jeter à l’Allemagne une parole de conciliation et de paix. Ce début nous agrée d’autant plus que nous pouvons ici applaudir sans réserve aux sentiments qui animent l’écrivain et au but qu’il se propose. Lorsque M. Victor Hugo dit que le Rhin est un fleuve digne d’être à la fois français et allemand, nous ne le contredirons pas, puisque nous écrivions, il y a douze ans, que le Rhin, comme Charlemagne, appartient à l’Allemagne et à la France. M. Hugo désire une alliance sincère entre l’Allemagne et la France ; depuis longtemps nous avons formé les mêmes vœux. Il voit dans cette alliance le rempart de l’Europe contre les envahissements de la Russie ; nous n’avons pas un autre avis, car nous avons toujours pensé que l’esprit et les destinées de l’Europe dépendent surtout de l’Allemagne et de la France, qui en occupent le centre vivant. L’Allemagne, nous l’avons dit, ne peut maintenir son indépendance et son originalité que par l’alliance de la France. L’intérêt rapproche les deux peuples que sépare le Rhin ; la diversité de leur génie les convie à une amitié solide…

Le Journal des Débats.
Cuvillier-Fleury.

… Si la France n’est pas bientôt maîtresse de la rive gauche du Rhin, ce ne sera pas la faute de M. Victor Hugo. Les deux cents pages qu’il a consacrées au remaniement de l’Europe sont assurément ce qu’il a jamais écrit de plus sérieux, et, dans quelques endroits, de plus magnifique…

Les Lettres sur le Rhin ont tous les mérites et tous les défauts de M. Victor Hugo, exagérés par je ne sais quelle allure plus délibérée et plus rapide, qui est comme le cachet de ce nouveau livre. M. Victor Hugo écrit à un ami. Il est fort en déshabillé ; et, bien que son style, même familier, ressemble beaucoup à celui de Balzac l’ancien, dont on disait au dix-septième siècle « qu’il mettait des diamants sur sa robe de chambre », on voit que M. Victor Hugo ne se gêne guère avec son correspondant anonyme…

Êtes-vous peintre, graveur, statuaire, architecte ? Entrez ! M. Victor Hugo vous ouvre une immense galerie de portraits historiques, vous fait marcher entre deux rangées de statues, dresse sous vos yeux les anciennes cathédrales, rebâtit les palais gothiques. Êtes-vous botaniste ? M. Victor Hugo a rédigé pour vous la flore du Rhin. Êtes-vous poète ? il vous inonde de poésie. Amoureux ? il vous mène aux ruines de Falkenburg. Homme d’État ? il discute avec vous l’œuvre du Congrès. Soldat ? il vous conduit au tombeau du général Hoche. Homme de loi, antiquaire, bibliophile ? il vous plonge dans les archives de la jurisprudence féodale, il se penche avec vous sur de vieilles inscriptions indéchiffrables, il entasse sous vos yeux chartes, missels, manuscrits. Amateur de merveilleux ? il vous fait entrer dans la Maüsethurm ou vous raconte la légende d’Aix-la-Chapelle. Aimez-vous les contes ? lisez les aventures du beau Pécopin. Enfin, goûtez-vous le calembour ? M. Hugo ne vous a pas oublié…

L’Artiste.
Paul Meurice.

… Personne ne conteste plus la puissance de l’auteur de Notre-Dame de Paris et le rang qu’il occupe dans la littérature de ce temps. Son œuvre est la grande rue qui traverse les idées, les intérêts et les passions de notre âge. On attend avec impatience les manifestations de sa pensée, on les accueille avec bonheur et avec fierté ! Oui, avec fierté ! nous ne savons pas pourquoi on ne serait pas fier de son siècle comme on est fier de son pays, pourquoi on n’a pas sa patrie dans la durée comme dans l’espace, pourquoi on n’est pas contemporain comme on est concitoyen.

Parlons donc du Rhin à notre aise, en