LETTRE IV.
De Villers-Cotterets à la frontière.
Cette fois j’ai fait du chemin. Cher ami, je vous écris aujourd’hui de Givet, vieille petite ville qui a eu l’honneur de fournir à Louis XVIII son dernier mot d’ordre et son dernier calembour (Saint-Denis, Givet), et où je viens d’arriver à quatre heures du matin, moulu par les cahots d’un affreux chariot qu’ils appellent ici la diligence. J’ai dormi deux heures tout habillé sur un lit, le jour est venu, et je vous écris. J’ai ouvert ma fenêtre pour jouir du site qu’on aperçoit de ma chambre et qui se compose de l’angle d’un toit blanchi à la chaux, d’une antique gouttière de bois pleine de mousse et d’une roue de cabriolet appuyée contre un mur. Quant à ma chambre en elle-même, c’est une grande halle meublée de quatre vastes lits, avec une immense cheminée en menuiserie, ornée à l’extérieur d’un tout petit miroir et à l’intérieur d’un tout petit fagot. Sur le fagot est posé délicatement à côté d’un balai un tire-bottes énorme et antédiluvien, taillé à la serpe par quelque menuisier en fureur. La baie fantastique pratiquée dans ce tire-bottes imite les sinuosités de la Meuse ; et il est presque impossible d’en arracher son pied, si l’on a l’imprudence de l’y engager. On court risque de se promener, comme je viens de le faire, dans toute l’auberge, le