Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., En voyage, tome II.djvu/314

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

chef-d’œuvre de Vauban. Soit. Mais il est certain que les chefs-d’œuvre de Vauban gâtent les chefs-d’œuvre du bon Dieu.

La cathédrale de Bayonne est une assez belle église du quatorzième siècle couleur amadou et toute rongée par le vent de la mer. Je n’ai vu nulle part les meneaux décrire dans l’intérieur des ogives des fenestrages plus riches et plus capricieux. C’est toute la fermeté du quatorzième siècle qui se mêle, sans la refroidir, à toute la fantaisie du quinzième. Il reste çà et là quelques belles verrières, presque toutes du seizième siècle. À droite de ce qui a été le grand portail, j’ai admiré une petite baie dont le dessin se compose de fleurs et de feuilles merveilleusement roulées en rosace. Les portes sont d’un grand caractère ; ce sont de grandes lames noires semées de gros clous, rehaussées d’un marteau de fer doré. Il ne reste plus qu’un de ces marteaux, qui est d’un beau travail byzantin.

L’église est accostée au sud d’un vaste cloître du même temps, qu’on restaure en ce moment avec assez d’intelligence, et qui communiquait jadis avec le chœur par un magnifique portail, aujourd’hui muré et blanchi à la chaux, dont l’ornementation et les statues rappellent par leur grand style Amiens, Reims et Chartres.

Il y avait dans l’église et dans le cloître beaucoup de tombes, qu’on a arrachées. Quelques sarcophages mutilés adhèrent encore à la muraille. Ils sont vides. Je ne sais quelle poussière hideuse à voir y remplace la poussière humaine. L’araignée file sa toile dans ces sombres logis de la mort.

Je me suis arrêté dans une chapelle où il ne reste plus d’un de ces sépulcres que la place, encore reconnaissable aux arrachements de la muraille ; et cependant le mort avait pris ses précautions pour garder sa tombe. Cette sépulture lui appartient, comme le dit encore aujourd’hui une inscription SUT marbre noir scellé dans la pierre. « Le 22 avril 1664 », s’il faut en croire la même inscription que je cite textuellement, « E. Reboul, notaire royal et messieurs du chapitre » avaient donné à « Pierre de Baraduc, bourgeois et homme d’armes au château vieux de cette ville, titre et pocestion de cette sépulture, pour en jouir lui et les siens ».


Et à ce propos, ma visite à Saint-Michel de Bordeaux me revient à la pensée.

Je venais de sortir de l’église, qui est du treizième siècle et fort remarquable, par les portails surtout, et qui contient une exquise chapelle de la Vierge, sculptée, je devrais dire ouvrée, par les admirables figuristes du temps de Louis XII. Je regardais le campanile qui est à côté de l’église et que surmonte un télégraphe. C’était jadis une superbe flèche de trois cents