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— notes. —


I


19 septembre.

Forêt-Noire. — Merisiers au bord de la route. — Ouragan. — Les feuilles volent comme des essaims d’oiseaux, les sapins agitent éperdument leurs guirlandes funèbres.

Les immenses vagues de l’air, molles et calmes dans les plaines, se heurtent, se déchirent, se brisent, tourbillonnent et, pour ainsi dire, écument aux crêtes des hautes chaînes de montagnes comme les flots de la mer aux bancs de rochers. De là les grands vents furieux des Alpes et des Andes.

Il pleut à verse. Les paysans, accoutrés pour l’orage, apparaissent sous les aspects les plus fantastiques. Les uns arborent des houppelandes inexprimables, des paletots dantesques, des parapluies dont aucun rêve n’approcherait, ou surgissent au-dessus d’une énorme cravate que le vent dénoue et qui leur fait une barbe rouge ou bleue. Les autres s’engloutissent sous de prodigieux chapeaux qui leur donnent l’air de passants absurdes coiffés d’un chaudron. Les femmes marchent dans les flaques d’eau en relevant gracieusement leur jupe sous laquelle on aperçoit une paire de bottes.

Il fait beau, charmants costumes. Il pleut, affreuses guenilles.

Papillons au soleil, dans l’orage chenilles.

Spaïchingen, village calviniste ; le dimanche, grave et superbe costume des femmes. Veste de velours noir, cravate noire nouée derrière le cou, coiffe-calotte de soie noire tombant jusque sur les sourcils avec deux longs rubans et deux longues nattes de cheveux par derrière. Jupe très grosse et très courte de laine noire, et tablier de taffetas noir à mille plis, bas rouges. Elles sont charmantes ainsi. De beaux paysans de Watteau, coiffés du tricorne équilatéral, en culotte courte, en gilet à ramages et en bas blancs serrent de fort près les jolies filles dantesques. On s’en va par couples dans la Forêt-Noire.


On rencontre souvent en Allemagne des églises coupées en deux longitudinalement par une espèce de barrière en bois à claire-voie. D’un côté