Vous donnez de l’argent, mais c’est la main qui le reçoit, ce n’est pas la conscience. La conscience ! pendant que vous y êtes, inscrivez-la sur vos listes d’exil. C’est là une opposante obstinée, opiniâtre, tenace, inflexible, et qui met le trouble partout. Chassez-moi cela de France. Vous serez tranquille après.
Voulez-vous savoir comment elle vous traite, même chez vos amis ? Voulez-vous savoir en quels termes un honorable chevalier de Saint-Louis de quatre-vingts ans, grand adversaire « des démagogues » et votre partisan, votait pour vous le 2 décembre ? – « C’est un misérable, disait-il, mais un misérable nécessaire. »
Non ! il n’y a pas de misérables nécessaires ! Non ! le crime n’est jamais utile ! Non ! le crime n’est jamais bon ! La société sauvée par trahison ! blasphème ! Il faut laisser dire ces choses-là aux archevêques. Rien de bon n’a pour base le mal. Le Dieu juste n’impose pas à l’humanité la nécessité des misérables. Il n’y a de nécessaire en ce monde que la justice et la vérité. Si ce vieillard eût regardé moins la vie et plus la tombe, il eût vu cela. Cette parole est surprenante de la part d’un vieillard, car il y a une lumière de Dieu qui éclaire les âmes proches du tombeau et qui leur montre le vrai.
Jamais le droit et le crime ne se rencontrent. Le jour où ils s’accoupleraient, les mots de la langue humaine changeraient de sens, toute certitude s’évanouirait, l’ombre sociale se ferait. Quand par hasard, – cela s’est vu parfois dans l’histoire, – il arrive que, pour un moment, le crime a force de loi, quelque chose tremble dans les fondements mêmes de l’humanité. Jusque datum sceleri ! s’écrie Lucain, et ce vers traverse l’histoire comme un cri d’horreur.
Donc, et de l’aveu de vos votants, vous êtes un misérable. J’ôte nécessaire. Prenez votre parti de cette situation.
Eh bien, soit, direz-vous. Mais c’est là le cas précisément ; on se fait « absoudre » par le suffrage universel.
Impossible.
Comment ! impossible ?
Oui, impossible. Je vais vous faire toucher du doigt la chose.