médiatement, déclarant qu’il n’y avait plus d’Assemblée ; que, quant à lui, il ne savait pas ce que c’était que des représentants du peuple, et que, si les personnes qu’il avait devant lui ne se retiraient pas de gré, il les expulserait de force.
— Nous ne céderons qu’à la violence, dit M. Daru.
— Vous êtes en forfaiture, ajouta M. de Kerdrel.
L’officier donna ordre de charger.
Les compagnies s’avancèrent en rangs serrés.
Il y eut un moment de confusion. Presque un choc. Les représentants refoulés violemment refluèrent dans la rue de Lille. Quelques-uns tombèrent. Plusieurs membres de la droite furent roulés dans la boue par les soldats. L’un d’eux, M. Étienne, reçut dans l’épaule un coup de crosse. Ajoutons sans transition que, huit jours après, M. Étienne était membre de cette chose qu’on a appelée la Commission Consultative. Il trouvait bon le coup d’État, y compris le coup de crosse.
On revint chez M. Daru ; chemin faisant, le groupe dispersé se rallia et se recruta même de quelques survenants.
— Messieurs, dit M. Daru, le président nous fait défaut, la salle nous est fermée. Je suis vice-président, ma maison est le palais de l’Assemblée.
Il fit ouvrir un grand salon, et les représentants de la droite s’y installèrent. On y délibéra d’abord assez tumultueusement. Cependant M. Daru fit observer que les moments étaient précieux, et le silence se rétablit.
La première mesure à prendre était évidemment la déchéance du président de la République, en vertu de l’article 68 de la Constitution. Quelques représentants, de ceux que j’avais servi à baptiser et qu’on appelait burgraves, s’assirent autour d’une table et préparèrent la rédaction de l’acte de déchéance.
Comme ils allaient en donner lecture, un représentant qui arrivait du dehors se présenta à la porte du salon et déclara à l’assemblée que la rue de Lille s’emplissait de troupes et qu’on allait cerner l’hôtel.
Il n’y avait pas une minute à perdre.
M. Benoist d’Azy dit : — Messieurs, allons à la mairie du Xe arrondissement, nous pourrons délibérer là sous la protection de la 10e légion dont notre collègue, le général Lauriston, est colonel.
L’hôtel de M. Daru avait une issue sur les derrières par une petite porte qui était au fond du jardin. Beaucoup de représentants sortirent par là.
M. Daru se disposait à les suivre. Il ne restait plus que lui dans le salon avec M. Odilon Barrot et deux ou trois autres quand la porte s’ouvrit. Un capitaine entra et dit à M. Daru :
— Monsieur le comte, vous êtes mon prisonnier.