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Le commissaire répondit :

— Oui.

Et il tendit au président un papier.

Les juges étaient pâles.

Le président déplia le papier ; M. Cauchy avançait la tête par-dessus l’épaule de M. Hardouin. Le président lut :

« Ordre de disperser la Haute Cour, et, en cas de refus, d’arrêter MM. Bérenger, Rocher, de Boissieux, Pataille et Hello. »

Et se tournant vers les juges, le président ajouta :

« Signé Maupas. »

Puis, s’adressant au commissaire, il reprit :

— Il y a erreur. Ces noms-là ne sont pas les nôtres. MM. Bérenger, Rocher et de Boissieux ont fait leur temps et ne sont plus juges de la Haute Cour ; quant à M. Hello, il est mort.

La Haute Cour en effet était temporaire et renouvelable ; le coup d’État brisait la Constitution, mais ne la connaissait pas. Le mandat signé Maupas était applicable à la précédente Haute Cour. Le coup d’État s’était fourvoyé sur une vieille liste. Etourderie d’assassins.

— Monsieur le commissaire de police, continua le président, vous le voyez, ces noms-la ne sont pas les nôtres.

— Cela m’est égal, répliqua le commissaire. Que ce mandat s’applique ou ne s’applique pas à vous, dispersez-vous, ou je vous arrête tous.

Et il ajouta :

— Sur-le-champ.

Les juges se turent ; un d’eux prit sur la table une feuille volante qui était l’arrêt rendu par eux et mit ce papier dans sa poche, et ils s’en allèrent.

Le commissaire leur montra la porte où étaient les bayonnettes, et dit :

— Par là.

Ils sortirent par le couloir entre deux haies de soldats. Le peloton de garde républicaine les escorta jusque dans la galerie Saint-Louis.

Là on les laissa libres, la tête basse.

Il était environ trois heures.

Pendant que ces choses s’accomplissaient dans la bibliothèque, tout à côté, dans l’ancienne grand’chambre du parlement, la cour de cassation siégeait et jugeait comme à son ordinaire, sans rien sentir de ce qui se passait près d’elle. Il faut croire que la police n’a pas d’odeur.

Finissons-en tout de suite de cette Haute Cour.

Le soir, à sept heures et demie, les sept juges se réunirent chez l’un d’eux, celui qui avait emporté l’arrêt, dressèrent procès-verbal, rédigèrent une pro-