dessins de fabrique. J’ai pensé qu’il pourrait être utile dans un moment comme celui-ci. J’en ai chez moi une centaine de feuilles, avec lesquelles je puis faire cent copies de ce que vous voudrez, d’une proclamation par exemple, dans le même temps qu’on met pour en faire quatre ou cinq. Ecrivez-moi quelque chose, ce que vous croirez utile dans l’instant où nous sommes, et demain matin ce sera affiché dans Paris à cinq cents exemplaires.
Je n’avais sur moi aucun des actes que nous venions de rédiger, Versigny était parti avec les copies. Je pris une feuille de papier, et j’écrivis sur le coin de la cheminée la proclamation suivante :
- « Soldats !
« Un homme vient de briser la Constitution. Il déchire le serment qu’il avait prêté au peuple, supprime la loi, étouffe le droit, ensanglante Paris, garrotte la France, trahit la République !
« Soldats, cet homme vous engage dans son crime.
« Il y a deux choses saintes : le drapeau, qui représente l’honneur militaire, et la loi, qui représente le droit national. Soldats, le plus grand des attentats, c’est le drapeau levé contre la loi ! Ne suivez pas plus longtemps le malheureux qui vous égare. Pour un tel crime, les soldats français doivent être des vengeurs, non des complices.
« Cet homme dit qu’il s’appelle Bonaparte. Il ment, car Bonaparte est un mot qui veut dire gloire. Cet homme dit qu’il s’appelle Napoléon. Il ment, car Napoléon est un mot qui veut dire génie. Lui, il est obscur et petit. Livrez à la loi ce misérable ! Soldats, c’est un faux Napoléon. Un vrai Napoléon vous ferait recommencer Marengo ; lui, il vous fait recommencer Transnonain !
« Tournez les yeux vers la vraie fonction de l’armée française : protéger la patrie, propager la Révolution, délivrer les peuples, soutenir les nationalités, affranchir le continent, briser les chaînes partout, défendre partout le droit, voilà votre rôle parmi les armées d’Europe. Vous êtes dignes des grands champs de bataille.
« Soldats ! l’armée française est l’avant-garde de l’humanité.
« Rentrez en vous-mêmes, réfléchissez ; reconnaissez-vous, relevez-vous ! Songez à vos généraux arrêtés, pris au collet par des argousins et jetés, menottes aux mains, dans la cellule des voleurs ! Le scélérat qui est à l’Élysée croit que l’armée de la France est une bande du bas-empire ; qu’on la paie et qu’on l’enivre, et qu’elle obéit ! Il vous fait faire une besogne infâme ; il