Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Histoire, tome I.djvu/450

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été la chance du commencement redevenait l’espérance de la fin, car il croyait la fin fatale et proche. Selon lui, il fallait, à défaut du peuple, essayer maintenant de mettre en mouvement la bourgeoisie. Qu’une légion sortît en armes, et l’Elysée était perdu. Pour cela il fallait frapper un coup décisif, trouver le cœur des classes moyennes, passionner le bourgeois par un grand spectacle qui ne fût pas un spectacle effrayant.

C’est alors que cette pensée vint à cet ouvrier :

Ecrire à l’archevêque de Paris.

L’ouvrier prit une plume et de sa pauvre mansarde écrivit à M. l’archevêque de Paris une lettre enthousiaste et grave où lui, homme du peuple et croyant, il disait ceci à son évêque ; nous traduisons le sens de sa lettre :

— L’heure est solennelle, la guerre civile met aux prises l’armée et le peuple, le sang coule. Quand le sang coule, l’évêque sort. M. Sibour doit continuer M. Affre. L’exemple est grand, l’occasion est plus grande encore.

Que l’archevêque de Paris suivi de tout son clergé, la croix pontificale devant lui, la mitre en tête, sorte processionnellement dans les rues. Qu’il appelle à lui l’Assemblée nationale et la Haute Cour, les législateurs en écharpes et les juges en robes rouges, qu’il appelle à lui les citoyens, qu’il appelle à lui les soldats, et qu’il aille droit à l’Elysée. Que là il lève la main, au nom de la justice, contre celui qui viole les lois, et, au nom de Jésus, contre celui qui verse le sang. Rien qu’avec cette main levée il brisera le coup d’État.

Et il mettra sa statue à côté de la statue de M. Affre, et il sera dit que deux fois deux archevêques de Paris ont écrasé du pied la guerre civile.

L’église est sainte, mais la patrie est sacrée. Il faut que dans l’occasion l’Église vienne au secours de la patrie. –

La lettre finie, il la signa de sa signature d’ouvrier. Mais maintenant une difficulté se présentait : – Comment la faire parvenir ?

La porter lui-même ?

Mais le laisserait-on parvenir, lui pauvre artisan en blouse, jusqu’à l’archevêque ?

Et puis, pour arriver jusqu’au palais archiépiscopal, il fallait traverser précisément les quartiers soulevés et où la résistance durait peut-être encore, il fallait franchir des rues encombrées de troupes, il serait arrêté et fouillé, ses mains sentaient la poudre, on le fusillerait, et la lettre ne parviendrait pas !

Comment faire ?

Au moment de désespérer, le nom d’Arnaud (de l’Ariège) se présenta à son souvenir.

Arnaud (de l’Ariège) était le représentant selon son cœur. C’était une