Arnaud, pour des raisons plus graves encore que les motifs de l’ouvrier, ne pouvait la porter lui-même.
Et le temps pressait !
Sa femme vit son embarras et lui dit avec simplicité :
— Je m’en charge.
Madame Arnaud (de l’Ariège), belle et toute jeune, mariée depuis deux ans à peine, était la fille de l’ancien constituant républicain Guichard ; digne fille d’un tel père et digne femme d’un tel mari.
On se battait dans Paris ; il fallait affronter les dangers des rues, passer à travers les balles, risquer sa vie.
Arnaud (de l’Ariège) hésita.
— Que veux-tu faire ? lui demanda-t-il.
— Je porterai cette lettre.
— Toi-même ?
— Moi-même.
— Mais il y a du danger.
Elle leva les yeux et lui dit :
— T’ai-je fait cette objection avant-hier quand tu m’as quittée ?
Il l’embrassa avec une larme et lui dit : – Va.
Mais la police du coup d’État était soupçonneuse, beaucoup de femmes étaient fouillées en traversant les rues ; on pouvait trouver cette lettre sur Madame Arnaud. Où cacher cette lettre ?
— J’emporterai mon enfant, dit Madame Arnaud.
Elle défit les langes de la petite fille, y cacha la lettre, et referma le maillot.
Quand cela fut fini, le père baisa son enfant au front, et la mère s’écria en riant :
— Oh ! la petite rouge ! Elle n’a que six mois, et la voilà déjà qui conspire !
Madame Arnaud gagna l’archevêché non sans peine. La voiture qui l’y conduisit dut faire force détours. Elle arriva pourtant. Elle demanda l’archevêque. Une femme qui porte un enfant, cela ne peut être bien terrible, on la laissa entrer.
Mais elle se perdit dans les cours et les escaliers. Elle cherchait son chemin, assez déconcertée, quand elle rencontra l’abbé Maret. Elle le connaissait. Elle l’aborda. Elle lui dit l’objet de sa démarche. L’abbé Maret lut la lettre de l’ouvrier et fut pris d’enthousiasme. – Cela peut tout sauver, dit-il.
Il ajouta : – Suivez-moi, madame. Je vais vous introduire.
M. l’archevêque de Paris était dans la chambre qui est contiguë à son cabinet. L’abbé Maret fit entrer Madame Arnaud dans le cabinet, prévint