Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Histoire, tome II.djvu/148

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Si acharnée que fût la poursuite dirigée contre nous, je ne crus pas devoir quitter Paris tant qu’il y eut une lueur d’espoir, et tant qu’un réveil du peuple sembla possible. Mallarmet me fit dire dans ma retraite qu’un mouvement aurait lieu à Belleville le mardi 9. J’attendis jusqu’au 12. Rien ne remua. Le peuple était bien mort. Heureusement, ces morts-là, comme les morts des dieux, sont momentanées.

J’eus un dernier rendez-vous avec Jules Favre et Michel (de Bourges) chez Mme Didier, rue de la Ville-Lévêque. Ce fut la nuit. Bastide y vint. Cet homme vaillant me dit :

— Vous allez quitter Paris ; moi, j’y reste. Prenez-moi pour lieutenant. Faites-moi mouvoir du fond de votre exil. Servez-vous de moi comme d’un bras que vous avez en France.

— Je me servirai de vous comme d’un cœur, lui dis-je. Le 14, à travers les péripéties que mon fils Charles raconte dans son livre, je parvins à gagner Bruxelles.

Les vaincus sont une cendre, la destinée souffle dessus et les disperse. Il se fit un sinistre évanouissement de tous les combattants du droit et de la loi. Disparition tragique.