Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Histoire, tome II.djvu/166

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XV. Comment on sortit de Ham

Dans la nuit du 7 au 8 janvier, Charras dormait. Le bruit de ses verrous tirés le réveilla.

— Tiens, dit-il, on nous met au secret. Et il se rendort. Une heure après, la porte s’ouvre. Le commandant du fort entre en grand uniforme, accompagné d’un homme de Poissy portant un flambeau.

Il était environ quatre heures du matin.

— Colonel, dit le commandant, habillez-vous tout de suite.

— Pourquoi faire ?

— Vous allez partir.

— Encore quelque infamie probablement !

Le commandant garde le silence. Charras s’habille.

Comme il achevait de s’habiller, survient un petit jeune homme vêtu de noir.

Ce jeune homme adressa la parole à Charras.

— Colonel, vous allez sortir de la forteresse, vous allez quitter la France. J’ai ordre de vous faire conduire à la frontière.

Charras s’écria :

— Si c’est pour quitter la France, je ne veux pas quitter la forteresse. C’est un attentat de plus. On n’a pas plus le droit de m’exiler qu’on n’a eu le droit de m’emprisonner. J’ai pour moi la loi, le droit, mes vieux services, mon mandat. Je proteste. Qui êtes-vous, monsieur ?

— Je suis le chef du cabinet du ministre de l’intérieur.

— Ah ! c’est vous qui vous appelez Léopold Lehon.

Le jeune homme baissa les yeux.

Charras continua :

— Vous venez de la part de quelqu’un qu’on appelle ministre de l’intérieur, M. de Morny, je crois. Je connais ce monsieur de Morny. Un jeune chauve ; il a joué le jeu où l’on perd ses cheveux ; maintenant il joue le jeu où l’on risque sa tête.

La conversation était pénible. Le jeune homme regardait beaucoup la pointe de ses bottes.

Après un silence, il se hasarda pourtant à prendre la parole :

— Monsieur Charras, j’ai ordre de vous dire que si vous aviez besoin d’argent…