d’Iges. Au delà de Balan, c’étaient la division Vassoigne et la brigade Reboul ; en deçà d’Iges, c’étaient les deux divisions de cavalerie Margueritte et Bonnemains.
Ces dispositions indiquaient une sécurité profonde. D’abord l’empereur Napoléon III ne fût pas venu là s’il n’eût été parfaitement tranquille. Ce fond de Givonne est ce que Napoléon Ier appelait une « cuvette », et ce que l’amiral Tromp appelait « un pot de chambre ». Pas d’encaissement plus fermé. Une armée est là tellement chez elle, qu’elle y est trop ; elle risque de n’en pouvoir plus sortir. C’était la préoccupation de quelques chefs vaillants et prudents, tels que Wimpffen, mais point écoutés. A la rigueur, disaient les gens de l’entourage impérial, on était toujours sûr de pouvoir gagner Mézières, et, en mettant tout au pis, la frontière belge. Mais fallait-il prévoir de si extrêmes éventualités ? En de certains cas, prévoir, c’est presque offenser. On était donc d’accord pour être tranquilles.
Si l’on eût été inquiet, on eût coupé les ponts de la Meuse ; mais on n’y songea même pas. A quoi bon ? L’ennemi était loin. L’empereur, évidemment renseigné, l’affirmait.
L’armée bivouaqua un peu pêle-mêle, nous l’avons dit, et dormit paisiblement toute cette nuit du 31 août, ayant, dans tous les cas, ou croyant avoir la retraite sur Mézières ouverte derrière elle. On dédaigna les précautions les plus ordinaires ; on ne fit pas de reconnaissances de cavalerie, on ne mit pas même de grand’gardes ; un écrivain militaire allemand [1]l’affirme. On était séparé de l’armée allemande par au moins quatorze lieues, trois jours de marche ; on ne savait pas au juste où elle était ; on la croyait éparse, peu adhérente, mal informée, dirigée un peu au hasard sur plusieurs objectifs à la fois, incapable d’un mouvement convergent sur un point unique comme Sedan ; on croyait savoir que le prince de Saxe marchait sur Châlons et que le prince de Prusse marchait sur Metz ; on ignorait tout de cette armée, ses chefs, son plan, son armement, son effectif. En était-elle encore à la stratégie de Gustave-Adolphe ? En était-elle encore à la tactique de Frédéric II ? On ne savait. On était sûr d’être dans quelques semaines à Berlin. Bah ! l’armée prussienne ! On parlait de cette guerre comme d’un rêve et de cette armée comme d’un fantôme.
Dans cette même nuit, pendant que l’armée française dormait, voici ce qui se faisait.
- ↑ M. Harwig.