condamnation, est plein d’une ironie amère et respectueuse :
Ce trépas que j’espère
Est le premier bienfait que j’obtiendrai d’un père.
Nous citerons encore un vers énergiquement concis du Roi, qui soupçonne sa femme et son fils de conspirer contre ses jours :
Ils veulent m’immoler, et ce couple perfide
De l’espoir de l’inceste arme son parricide.
La plupart des vers que l’on vient de lire, vers de situation, vers tragiques, ont passé sans applaudissements. En revanche, les Aristarques du lustre ont couvert de bravos d’assez mauvaises tirades sur les prêtres, les inquisiteurs ; etc.
Or maintenant, veillez, graves auteurs,
Mordez vos doigts, ramez comme corsaires,
Pour mériter de pareils adversaires,
Ou pour trouver de tels admirateurs !
Ce n’est pas sans intention que nous altérons ces vers en les citant.
On blâmait devant nous le choix de l’assassinat de Don Carlos pour sujet tragique. Cette opinion, dont le motif est respectable, est sujette a controverse. Qu’on ne me parle pas, disait Voltaire, de Pierre Ier, de ces hommes moitié héros et moitié tigres. Voltaire pourtant avait fait Brutus ; et il y a moins de distance entre Brutus immolant son fils a raffermissement de la république qui s’élève, et Pierre sacrifiant le sien aux intérêts de son empire naissant, qu’entre ce czar et le roi Philippe. Oui ; mais, dira-t-on, M. Lebrun nous a montré une reine décapitant sa sœur par politique ; M. Lemercier nous peint un roi déshéritant son fils par démence ; M. Lefebvre nous en fait voir un autre tuant le sien par jalousie amoureuse ; convient-il de traduire éternellement sur la scène le delirant reges ? Non, sans doute ; aussi allons-nous bientôt applaudir, grâce à M. Pichat, Enée, roi fondateur, Léonidas, roi libérateur ; grâce a M. Guiraud, Pélage, roi libérateur et fondateur tout ensemble. N’interdisons d’ailleurs aucune des ressources de l’histoire aux auteurs tragiques ; abandonnons-leur, s’il le faut, les prêtres d’autrefois, l'inquisition, aujourd’hui si vieille. Dans quelques siècles, nos jacobins, nos radicaux, nos teutoniens,
nos carbonari seront aussi du domaine de l’histoire ancienne ; soyons sûrs qu’alors les auteurs n’auront plus besoin d’aller chercher des crimes pour leurs tragédies dans les annales des trônes, dans les archives du Saint-Office.
Histoire générale de France, depuis le règne de Charles IX jusqu’à la paix générale en 1815, par M. Dufau, ornée de plus de deux cent trente portraits[1]
Sindbad le marin… — … il le noie malicieusement dans le fleuve[2].
Tel a été à peu près le sort de Vély, Villaret et Garnier ; tel ne sera pas, nous osons le prédire, celui de leur jeune et estimable successeur, M. Dufau. Si cet écrivain, au talent duquel nous avons eu déjà, occasion de rendre justice, donne encore un peu trop aux détails, on sent que c’est afin de ne point faire grimacer le travail de ses prédécesseurs auprès du sien ; s’il n’ose point regarder l’histoire de trop haut, c’est que Vély la voyait de si près, Garnier de si loin, et Villaret de si bas ! Tout son tort est (qu’on nous passe cette expression) d’avoir attelé son talent à trois médiocrités consécutives : il a péché a l’inverse de ceux qui firent une tête, des bras et des jambes au Torse, et une sixième scène au dernier acte d’Andromaque. M. Dufau aurait dû, comme le Corinthien Lacoëthès, refuser de forger une branche d’acier pour un arc de fer.
Les événements du monde, comme toute chose, veulent être peints à distance ; nous ne pouvons, en général, peindre l’histoire à mesure que nous la faisons : peu de génies
forts savent se soustraire aux préventions contemporaines, et voilà pourquoi il est plus difficile, ce nous semble, d’être bon publiciste que d’être bon historien. M. Dufau est encore, dans son ouvrage, assez loin de notre époque pour que je le juge seulement sous ce dernier rapport ; et relativement à la promesse qu’il