sont, il n’est point rare d’y trouver des strophes dont aucun poëte français ne désavouerait la teinte ferme et originale.
Ce n’est point la vertu, c’est la seule victoire
Et plus loin :
C’est bien. Fais-toi justice, ô peuple souverain !
L’incestueux chanteur, ivre de sang romain,
Il n’y aura point d’opinion mixte sur André de Chénier. Il faut jeter le livre ou se résoudre à le relire souvent ; ses vers ne veulent pas être jugés, mais sentis. Ils survivront à bien d’autres qui aujourd’hui paraissent meilleurs. Peut-être, comme le disait naïvement La Harpe, peut-être parce qu’ils renferment en effet quelque chose. En général, en lisant Chénier, substituez aux termes qui vous choquent leurs équivalents latins, il sera rare que vous ne rencontriez pas de beaux vers. D’ailleurs, vous trouverez dans Chénier la manière franche et large des anciens ; rarement de vaines antithèses, plus souvent des pensées nouvelles, des peintures vivantes, partout l’empreinte de cette sensibilité profonde sans laquelle il n’est point de génie, et qui est peut-être le génie elle-même. Qu’est-ce, en effet, qu’un poëte ? Un homme qui sent fortement, exprimant ses sensations dans une langue plus expressive. La poésie, ce n’est presque que sentiment.
Il y a déjà dans la nouvelle génération née avec ce siècle des commencements de grands poëtes.
Attendez quelques années encore.
Les fils des dents du dragon n’avaient pas besoin d’être entièrement sortis de la terre pour qu’on reconnût en eux des guerriers ; et, lorsque vous aviez vu seulement les gantelets d’Erix, vous pouviez juger les forces de l’athlète.