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Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Philosophie, tome II.djvu/585

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EXPLICATION DE LA VIE ET DE LA MORT.

Donc le mal n’est pas Dieu.

De toute nécessité l’infini et l’éternité sont des affirmations.

L’affirmation est le contraire de la négation. Donc l’infini et l’éternité sont le contraire du mal.

Donc l’infini et l’éternité sont le bien.

Si l’infini et l’éternité sont le bien, le bien est.

Si le bien est, le monde moral est ; car le bien n’en est que le soleil.

Si le monde moral est, qu’est-il, sinon le monde des âmes ayant Dieu pour centre ?

Donc l’âme est.

Ainsi qui prouve Dieu, prouve l’âme.

Remarquons ceci : la première partie de notre raisonnement peut se résumer de cette façon : si l’âme n’est pas, Dieu n’est pas, et la deuxième : Dieu est, donc l’âme est. Tant sont profondément liées et connexes ces deux notions : âme et Dieu.

Poursuivons.

L’âme habite l’homme durant sa vie. Elle en fait une créature profondément distincte de la brute, en ce que la brute est toujours et fatalement innocente, tandis que l’homme peut faire le mal et le bien.

La brute est passive ; l’homme est libre.

C’est l’âme qui le fait libre.

Donc l’âme est.

Ainsi qui prouve l’âme fait l’homme.

Tous ces mots : amour, loyauté, pudeur, dignité humaine, dévouement, honnêteté, foi, devoir, conscience, probité, honneur, vertu, ne sont plus des mots. Ce sont les faits propres à l’âme. Ce sont les facultés qui résultent de sa liberté.

Aux facultés rayonnantes répondent ces facultés ténébreuses : haine, vice, lâcheté, turpitude, égoïsme, rébellion, mensonge, improbité, crime. L’homme peut faire le mal comme le bien ; il est libre.

Donc l’homme n’est pas la brute.

Mais s’il n’est pas la brute, en quoi donc en diffère-t-il ?

En ce qu’il est libre d’abord j en ce qu’il est responsable ensuite.

Car ainsi que nous l’avons prouvé plus haut, liberté entraîne responsabilité. Le tigre est innocent ; Lacenaire ne l’est pas. Le tigre est irresponsable ; Lacenaire ne l’est pas.

Sans quoi il faudrait en revenir à tous les raisonnements par lesquels nous avons commencé, à la mort-néant, à l’égalité dans le ne-plus-être, toutes choses qui nous ont irrésistiblement menés à l’absurde.

L’homme est donc responsable.