Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Philosophie, tome II.djvu/639

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une marmite bout devant Papin, une feuille de papier en flamme s’envole devant Montgolfier. Par intervalles, une découverte éclate, comme un— coup de mine dans les profondeurs de la science, et tout un pan de préjugés et d’illusions s’écroule, et le roc vif de la vérité est brusquement mis à nu.

Surnaturalisme ! Et l’on croit avoir tout dit. Il est curieux de se retourner et de jeter un regard en arrière. L’électricité a longtemps fait partie du surnaturalisme. Il a fallu les expériences multipliées de Clairaut pour la faire admettre et inscrire sur les registres de l’état civil de la science correcte. L’électricité a aujourd’hui pignon sur rue et rente des professeurs. Le galvanisme a fait le même stage ; il a été tout d’abord bafoué et traité d’enfantillage, comme le constatent les cinq mémoires adressés par Galvani à Spallanzani ; il n’est admis que depuis peu. La pile de Volta a été fort raillée. Elle est admise à cette heure. Le magnétisme n’est encore qu’à demi entré ; une moitié est dans la science artificielle, et l’autre dans le surnaturalisme. Le bateau à vapeur était « puéril » en 1816. Le télégraphe électrique a commencé par n’être pas « sérieux ».

Disons-le, car nulle faveur dans ces pages sincères, et nous ne sommes au service que de la vérité, un certain esprit scientifique de nos jours n’est pas moins étroit que l’esprit religieux. L’erreur fait peau neuve, mais reste l’erreur ; elle était fétichisme, elle devient idolâtrie ; elle était athéisme, elle devient nihilisme. Que de progrès encore à accomplir ! Quel tirage ! Les deux ornières, l’ornière erreur et l’ornière imposture, sont d’accord pour faire verser la vérité.

Haine ou surnaturalisme, c’est le cri du sceptique, et c’est aussi le cri du bigot. La nature, voilà le danger. On se barricade contre elle des deux côtés. Pour l’homme d’ironie, elle est trop mystérieuse ; pour l’homme d’idolâtrie, elle est trop mathématique.

Somme toute, qu’on le sache, science et religion sont deux mots identiques ; les savants ne s’en doutent pas, les religieux non plus. Ces deux mots expriment les deux versants du même fait, qui est l’infini. La Religion-Science, c’est l’avenir de l’âme humaine.

Une des routes pour y arriver est l’intuition.

Nous ne développons pas. Le temps nous manque dans ces pages rapides. Notre but actuel est littéraire, et non scientifique. Passons.


Premier degré, deuxième degré, troisième degré. Observation, imagination, intuition. Humanité, nature, surnaturalisme ; ce sont là les trois horizons. L’un complète et corrige l’autre ; leur coordination est l’ensemble