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ODES ET BALLADES.

N’eût traîné ses nœuds flétrissants ;
Si la terre, à votre passage,
N’eût exhalé d’autre nuage
Que la vapeur d’un doux encens ;

J’aurais béni la muse et chanté ma victoire.
J’aurais dit au poëte, élancé vers la gloire :
« Ô ruisseau ! qui cherches les mers,
Coule vers l’océan du monde
Sans craindre d’y mêler ton onde ;
Car ses flots ne sont pas amers. »

II



Heureux qui de l’oubli ne fuit point les ténèbres !
Heureux qui ne sait pas combien d’échos funèbres
Le bruit d’un nom fait retentir !
Et si la gloire est inquiète,
Et si la palme du poëte
Est une palme de martyr !

Sans craindre le chasseur, l’orage ou le vertige,
Heureux l’oiseau qui plane et l’oiseau qui voltige !
Heureux qui ne veut rien tenter !
Heureux qui suit ce qu’il doit suivre !
Heureux qui ne vit que pour vivre,
Qui ne chante que pour chanter !

III



Vous, ô mes chants, adieu ! cherchez votre fumée !
Bientôt, sollicitant ma porte refermée,
Vous pleurerez, au sein du bruit,
Ce temps où, cachés sous des voiles,