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ODES ET BALLADES.


Sa morne infortune est pareille
À la mer aux bords détestés,
Dont l’eau morte à jamais sommeille
Sur de fastueuses cités.
Ce lac, noir vengeur de leurs crimes,
Du ciel, qui maudit ses abîmes,
Ne peut réfléchir les tableaux ;
Et l’œil cherche en vain quelque dôme
De l’éblouissante Sodome,
Sous les ténèbres de ses flots.

Gustave ! âme forte et loyale !
Si parfois, d’un bras raffermi,
Tu reprends ta robe royale,
C’est pour couvrir quelque ennemi.
Dans ta retraite que j’envie,
Tu portes sur ta noble vie
Un souvenir calme et sans fiel ;
Reine, comme toi sans asile,
La Vertu, que la terre exile,
Dans ton grand cœur retrouve un ciel !


V



Ah ! laisse croître l’herbe en tes cours solitaires !
Que t’importe, au milieu de tes pensers austères,
Qu’on n’ose, de nos jours, saluer un héros ;
Et que, chez d’autres rois, puissants, heureux encore,
Une foule de chars ébranle dès l’aurore
Les grands pavés de marbre et l’azur des vitraux !

Tu règnes cependant ! tu règnes sur toute âme
Dont ce siècle glacé n’a pas éteint la flamme ;