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                     XXVIII

Vois, ce spectacle est beau. — Ce paysage immense
Qui toujours devant nous finit et recommence ;
Ces blés, ces eaux, ces prés ; ce bois charmant aux yeux
Ce chaume où l’on entend rire un groupe joyeux ;
L’océan qui s’ajoute à la plaine où nous sommes
Ce golfe, fait par Dieu, puis refait par les hommes,
Montrant la double main empreinte en ses contours,
Et des amas de rocs sous des monceaux de tours ;
Ces landes, ces forêts, ces crêtes déchirées ;
Ces antres à fleur d’eau qui boivent les marées ;
Cette montagne, au front de nuages couvert,
Qui dans un de ses plis porte un beau vallon vert,
Comme un enfant des fleurs dans un pan de sa robe ;
La ville que la brume à demi nous dérobe,
Avec ses mille toits bourdonnants et pressés ;
Ce bruit de pas sans nombre et de rameaux froissés,
De voix et de chansons qui par moments s’élève ;
Ces lames que la mer amincit sur la grève,
Où les longs cheveux verts des sombres goémons
Tremblent dans l’eau moirée avec l’ombre des monts ;
Cet oiseau qui voyage et cet oiseau qui joue ;
Ici, cette charrue, et là-bas, cette proue,
Traçant en même temps chacune leur sillon
Ces arbres et ces mâts, jouets de l’aquilon
Et là-bas, par-delà les collines lointaines,
Ces horizons remplis de formes incertaines ;
Tout ce que nous voyons, brumeux ou transparent,
Flottant dans les clartés, dans les ombres errant,