Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Poésie, tome II.djvu/394

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Quand cette rive où l’eau se brise aux ponts sonores
Sera rendue aux joncs murmurants et penchés ;

Quand la Seine fuira de pierres obstruée,
Usant quelque vieux dôme écroulé dans ses eaux,
Attentive au doux vent qui porte à la nuée
Le frisson du feuillage et le chant des oiseaux ;

Lorsqu’elle coulera, la nuit, blanche dans l’ombre,
Heureuse, en endormant son flot longtemps troublé,
De pouvoir écouter enfin ces voix sans nombre
Qui passent vaguement sous le ciel étoilé ;

Quand de cette cité, folle et rude ouvrière,
Qui, hâtant les destins à ses murs réservés,
Sous son propre marteau s’en allant en poussière,
Met son bronze en monnaie et son marbre en pavés ;

Quand des toits, des clochers, des ruches tortueuses,
Des porches, des frontons, des dômes pleins d’orgueil
Qui faisaient cette ville, aux voix tumultueuses,
Touffue, inextricable et fourmillante à l’œil,

Il ne restera plus dans l’immense campagne,
Pour toute pyramide et pour tout panthéon,
Que deux tours de granit faites par Charlemagne,
Et qu’un pilier d’airain fait par Napoléon ;

Toi, tu complèteras le triangle sublime !
L’airain sera la gloire et le granit la foi ;
Toi, tu seras la porte ouverte sur la cime
Qui dit : il faut monter pour venir jusqu’à moi !

Tu salueras là-bas cette église si vieille,
Cette colonne altière au nom toujours accru,
Debout peut-être encore, ou tombée, et pareille
Au clairon monstrueux d’un titan disparu.