Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Poésie, tome II.djvu/492

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Que ce tribun valet, plus lâche qu’une femme,
Qui dans les carrefours vend sa parole infâme,
Toujours prêt pour l’or à souffleter la loi,
Forgeant l’émeute au peuple ou la censure au roi,
Que l’ami faux par qui la haine s’ensemence,
Et ceux qui nuit et jour occupent leur démence
D’une orgie effrontée au tumulte hideux,
Te regardent passer tranquille au milieu d’eux,
Saluant gravement les fronts que tu révères,
Muette, et l’œil pourtant plein de choses sévères !
Fouille ces cœurs profonds de ton regard ardent.
Et que, lorsque le peuple ira se demandant :
— Sur qui donc va tomber, dans la foule éperdue,
Cette foudre en éclairs dans ses yeux suspendue ? —
Chacun d’eux, contemplant son œuvre avec effroi,
Se dise en frissonnant : C’est peut-être sur moi !

En attendant, demeure impassible et sereine.
Qu’aucun pan de ta robe en leur fange ne traîne ;
Et que tous ces pervers tremblent dès à présent
De voir auprès de toi, formidable, et posant
Son ongle de lion sur ta lyre étoilée,
Ta colère superbe à tes pieds muselée !


6 septembre 1836.