Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Poésie, tome II.djvu/60

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Que lui font donc ces cris où votre voix s’enroue ?
Que sert au flot amer d’écumer sur la proue ?
Il ignore vos noms, il n’en a point souci,
Et quand, pour ébranler l’édifice qu’il fonde,
La sueur de vos fronts ruisselle et vous inonde,
Il ne sait même pas qui vous fatigue ainsi.


III


Puis, quand il le voudra, scribes, docteurs, poëtes,
Il sait qu’il peut, d’un souffle, en vos bouches muettes
Éteindre vos clameurs,
Et qu’il emportera toutes vos voix ensemble
Comme le vent de mer emporte où bon lui semble
La chanson des rameurs !

En vain vos légions l’environnent sans nombre,
Il n’a qu’à se lever pour couvrir de son ombre
À la fois tous vos fronts ;
Il n’a qu’à dire un mot pour couvrir vos voix grêles,
Comme un char en passant couvre le bruit des ailes
De mille moucherons !

Quand il veut, vos flambeaux, sublimes auréoles
Dont vous illuminez vos temples, vos idoles,
Vos dieux, votre foyer,
Phares éblouissants, clartés universelles,
Pâlissent à l’éclat des moindres étincelles
Du pied de son coursier !


26 avril 1830.