Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Poésie, tome IV.djvu/307

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Les mortiers lourds, volcans aux hideux entonnoirs,
Les grands steamers, dragons dégorgeant des flots noirs,
Tous ces géants tremblaient au sein des flots terribles
Sous ce frémissement d'ailes imperceptibles !
Et le lugubre essaim, vil, céleste, infernal,
Planait, plaisait toujours, attendant un signal.

Terre ! dit la vigie. Et l'on toucha la rive.
La gloire, qui parfois, jusqu'aux bandits arrive,
Apparut, et cet homme entrevit les combats,
Les tentes, les bivouacs, et, tout au fond, là-bas,
Vous couvrant de son ombre, horreurs atténuées,
L'immense arc de triomphe au milieu des nuées.
Il débarqua. L'essaim planait toujours. Hurrah !
C'est l'heure. Et le Seigneur fit signe au choléra.
La peste, saisissant son condamné sinistre,
A défaut du césar acceptant le ministre,
Dit à la guerre pâle et reculant d'effroi .
- Va-t'en. Ne me prends pas cet homme. Il est à moi.
Et cria de sa voix où siffle une couleuvre :
- Bataille, fais ta tâche et laisse-moi mon œuvre.
Alors, suivant le doigt qui d'en haut l'avertit,
L'essaim vertigineux sur ce front s'abattit ;
Le monstre aux millions de bouches, l'impalpable,
L'infini, se rua sur le blême coupable ;
Les ténèbres, mordant, rongeant, piquant, suçant,
Entrèrent dans cet homme, et lui burent le sang,
Et l'enfer, le tordant vivant dans ses tenailles,
Se mit à lui manger dans l'ombre les entrailles.

Et dans ce même instant la bataille tonna,
Et cria dans les cieux : Wagram ! Ulm ! Iéna !
En avant, bataillons, dans la fière mêlée !

Peuples ! ceci descend de la voûte étoilée,